Page:Liskenne, Sauvan - Bibliothèque historique et militaire, Tome 1, 1835.djvu/79

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les irrégularités du terrain, ainsi que les différentes formes que les masses sont obligées de subir en présence des ruisseaux, des ravins, et des défilés qui les forcent de se resserrer ou de s’étendre.

Cette étude devait nécessairement conduire Philopœmen à adopter les changemens que Pyrrhus avait introduits dans la phalange, et même à les perfectionner ; aussi nous le voyons dans la bataille qu’il livre (212 av. not. ère) à Machanidas, tyran de Sparte, ranger sa phalange sur deux lignes, les sections placées en échiquier, de sorte que si cette partie de son armée qui formait le centre était attaquée par la phalange lacédémonienne, la seconde ligne pût remplir les intervalles de la première, tandis qu’au contraire l’effort de l’ennemi se portant sur une des ailes, Philopœmen disposait de la seconde ligne pour la renforcer ou la remplacer.

Chef de la ligue des Achéens, il avait pris les armes contre Machanidas dont l’ambition menaçait le Péloponnèse, et s’était retiré avec ses troupes dans la ville de Mantinée, déjà célèbre par deux batailles dont nous avons parlé. Machanidas voyant son ennemi si près des Lacédémoniens, se hâta d’accourir pour le combattre, et donna rendez-vous à ses troupes dans la ville de Tégée, voisine de celle où était Philopœmen.

Machanidas se mit en marche sur trois colonnes[1], la phalange formant le centre, et les deux autres se composant de la cavalerie et de l’infanterie légère, toutes troupes qu’il avait à sa solde. Ces colonnes étaient suivies d’un grand nombre de catapultes, de balistes et de chariots chargés de traits. Alexandre avait essayé de mettre en usage de pareilles machines au passage d’une rivière défendue par les Thraces ; mais en général les Grecs faisaient peu de cas de cet attirail dans un jour de bataille, où ils tâchaient toujours de s’approcher pour en venir aux mains. Plus tard, lorsque sous les empereurs la discipline et la valeur des légions romaines tombèrent en désuétude, vous verrez ces machines se multiplier dans les armées ; ici elles furent entièrement inutiles à Machanidas.

Au premier avis de sa marche, Philopœmen vint se ranger en bataille, sur un terrain choisi par lui depuis long-temps. Il y avait, devant la ville de Mantinée, une large plaine terminée des deux côtés par des montagnes, et tout près, un chemin qui menait de la ville au temple de Neptune, bâti à-peu-près là où ces hauteurs se perdaient du côté de l’orient. Un ravin, plein d’eau en hiver, et sec en été, joignait les montagnes en traversant la plaine ; ses pentes en étaient douces, et il devenait difficile de l’apercevoir, à moins qu’on n’en fût très près. Philopœmen résolut de se servir de cette fortification naturelle.

Son armée, bien reposée, sortit de la ville sur trois colonnes, de trois points différens. La gauche fut composée de l’infanterie légère, suivie de la cavalerie légère soudoyée, connue sous le nom de Tarentins, et de cuirassiers assez semblables aux peltastes. Un corps d’Illyriens marchait à la queue. La phalange forma la colonne du centre, et la cavalerie, pesamment armée, des Achéens, fit la colonne de droite.

Cet ordre de marche était celui que Philopœmen avait adopté pour sa ligne de bataille ; aussi dès que l’infanterie légère eut gagné le ravin, elle monta sur les hauteurs pour en occuper les pentes ; la cavalerie, rangée sur huit de profondeur, se posta ensuite devant cette infanterie, au pied de la montagne ; enfin l’infanterie cuirassée et les Illyriens, complétèrent la gauche de l’armée achéenne.

  1. Voyez l’ATLAS.