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ARRIEN, LIV. II.

qu’aux cables des ancres qu’ils coupaient, et s’opposaient à l’abord de l’ennemi. Alexandre couvrant de la même manière plusieurs triacontères, les disposa en flanc pour défendre les ancres de l’atteinte des Tyriens ; alors leurs plongeurs venaient couper les cordes entre deux eaux. Pour les éviter, les Macédoniens sont réduits à jeter l’ancre avec des chaînes de fer.

Cependant à l’aide de cables on tire des eaux les quartiers de pierre accumulés devant la place ; des machines les rejettent au loin à une distance où ils ne peuvent plus nuire : l’approche des murs devient facile.

Dans cette extrémité les Tyriens résolurent d’attaquer les vaisseaux de Cypros qui menaçaient le port en face de Sidon. Ils tendent des voiles pour dérober à l’ennemi l’embarquement des soldats. Ils s’ébranlent à midi, à l’heure que les Macédoniens vaquaient à leur réfection, et qu’Alexandre avait quitté les vaisseaux stationnés de l’autre côté de la ville, pour se rendre dans sa tente. Leur armement était composé de trois bâtimens à cinq rangs de rames, de trois autres à quatre rangs, et de sept trirèmes tous montés d’excellens rameurs et de soldats bien armés, d’une valeur éprouvée, pleins d’ardeur pour le combat et exercés à l’abordage. Les rameurs filent lentement, sans bruit et sans signaux : dès qu’ils sont à la vue des Cypriens, ils poussent un grand cri ; tous donnent le signal, précipitent la rame, fondent sur l’ennemi dont ils surprennent les vaisseaux stationnaires, les uns dépourvus de forces, et les autres mis en défense à la hâte et en désordre. Au premier choc le bâtiment de Pnytagore, celui d’Androclès et de Pasicrate, sont coulés à fond ; les autres sont échoués sur le rivage.

Le hasard voulut qu’Alexandre s’arrêta dans sa tente moins long-temps que de coutume, et revint bientôt vers ses vaisseaux : à peine la sortie des galères tyriennes lui est-elle connue, qu’il détache aussitôt celles dont il pouvait disposer autour de lui ; armées à la hâte, elles vont précipitamment s’emparer de l’embouchure du port pour en fermer la sortie au reste des vaisseaux tyriens. Lui-même, avec ses bâtimens à cinq rangs, et cinq trirèmes les premières armées, tourne la ville pour joindre l’ennemi sorti du port.

Les habitans, apercevant du haut des murs le mouvement qu’Alexandre dirige en personne, excitent les leurs à retourner, d’abord par de grands cris qui se perdent dans le tumulte, et ensuite par toutes sortes de signaux. Ceux-ci s’apercevant trop tard de la poursuite d’Alexandre, regagnent le port à pleines voiles ; quelques vaisseaux échappent par la fuite ; ceux d’Alexandre tombant tout-à-coup sur les autres, les mettent hors de manœuvre, et prennent, à l’embouchure même du port, un bâtiment de cinq rangs, et un autre, de quatre. L’action ne fut point sanglante ; les gens de l’équipage des vaisseaux capturés regagnent facilement le port à la nage.

La mer fermée aux Tyriens, on approche les machines de leurs murs : en face du môle et de Sidon, la solidité des remparts les rend inutiles. Alexandre, cernant alors toute la partie méridionale qui regarde l’Égypte, la fait attaquer de tous côtés : le mur fortement battu cède et s’ouvre ; on jette des ponts, et sur-le-champ on s’avance du côté de la brèche : mais les Tyriens repoussent aisément l’ennemi.

Trois jours après, la mer étant dans le plus grand calme, Alexandre exhorte les généraux de son armée, et revient avec ses vaisseaux chargés de machines,