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ARRIEN, LIV. II.

digne d’être rapportée, quel qu’en soit l’auteur.

Ainsi fut prise la ville de Tyr, au mois Hécatombéon, Anicétus étant archonte à Athènes.

Alexandre était encore occupé au siége, lorsqu’il reçut des députés de Darius, qui lui offrirent, de sa part, dix mille talens pour la rançon de sa mère, de sa femme et de ses enfans, l’empire du pays qui s’étend depuis la mer Égée jusqu’à l’Euphrate, enfin l’alliance de Darius et la main de sa fille. On rapporte que ces offres ayant été exposées dans le conseil, Parménion dit : « Je les accepterais, si j’étais Alexandre, et mettrais fin à la guerre. » — Mais Alexandre : « Et moi si j’étais Parménion ; je dois une réponse digne d’Alexandre. » — Et aux envoyés : « Je n’ai pas besoin des trésors de Darius ; je ne veux point d’une partie de l’empire ; tous les trésors et l’empire entier sont à moi. J’épouserai la fille de Darius, si c’est ma volonté, sans attendre celle de son père. S’il veut éprouver ma générosité, qu’il vienne. »

Darius, à cette réponse, désespère d’un accommodement, et se prépare à la guerre.

Alexandre tente une expédition en Égypte. Il s’empare d’abord en Syrie de toutes les villes de la Palestine ; une seule lui résiste, Gaza, où commande l’eunuque Bétis. Il avait fait entrer dans la place plusieurs troupes d’Arabes à sa solde, et des provisions pour un long siège qu’il croyait soutenir facilement, la place paraissant imprenable par sa situation. Alexandre était déterminé à l’emporter.

Gaza est à vingt stades de la mer, dont le fond n’offre qu’un lit fangeux près de la ville, à laquelle on arrive par des sables difficiles à traverser. Cette place est considérable : assise sur la cime d’un mont, et défendue par de fortes murailles, située à l’entrée du désert, elle est la clé de l’Égypte du côté de la Phénicie.

Alexandre campe, dès le premier jour, aux pieds de la ville, du côté le plus faible, et ordonne d’y dresser les machines. Les constructeurs lui représentèrent que la hauteur du lieu sur lequel les murs s’élevaient, les mettait hors d’atteinte. Alexandre pressait d’autant plus l’attaque, qu’il était irrité par la difficulté ; il pensait que cette conquête inopinée frapperait l’ennemi de terreur ; s’il échouait, quelle honte pour lui auprès des Grecs et de Darius !

Il fait élever autour de la ville une terrasse assez haute pour rouler les machines contre les murs : il fit commencer l’ouvrage, du côté méridional, qu’il lui paraissait plus facile de battre. Les travaux achevés, les Macédoniens font jouer les machines.

Dans le moment où Alexandre, la couronne en tête, ouvrait le sacrifice selon les rites consacrés, voilà qu’un oiseau de proie, volant au-dessus de l’autel, laisse tomber sur la tête du prince une pierre qu’il tenait dans ses serres. Il consulte Aristandre sur ce présage ; et le devin lui répond : « Vous prendrez la ville ; mais gardez-vous de cette journée. » Alexandre se retire alors derrière les machines loin de la portée du trait.

Cependant les Arabes font une vive sortie, mettent le feu aux machines ; profitant de l’avantage des hauteurs, ils accablent les Macédoniens, et les repoussent des travaux avancés.

Alors Alexandre, soit que son caractère, soit que l’embarras des siens lui fît négliger la prédiction du devin, se met à la tête des Hypaspistes, et vole au secours des Macédoniens ; il arrête leur