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ARRIEN, LIV. III.

rigent la navigation. Alexandre et les siens étaient dans cet embarras lorsque, au rapport de Ptolémée, deux dragons sifflent et précèdent l’armée. Alexandre accepte l’augure, ordonne d’en suivre la trace qui dirige leur marche vers le temple et leur retour. Aristobule prétend, et son opinion paraît plus généralement adoptée, que ce furent deux corbeaux dont le vol guida l’armée. Je crois bien qu’Alexandre n’arriva que par un prodige ; mais ici, vu là diversité des récits, tout n’est qu’obscurité.

Le temple d’Ammon s’élève au milieu d’un vaste désert et de sables arides ; son enceinte très peu étendue, puisqu’elle n’a que quarante stades dans sa plus grande largeur, est plantée d’arbres qui s’y plaisent, de palmiers et d’oliviers, c’est le seul point de cette immense solitude où l’œil rencontre un peu de verdure. On y voit jaillir une fontaine remarquable par ce phénomène. Ses eaux, presque glacées à midi, perdent leur fraîcheur à mesure que le soleil baisse, s’échauffent sur le soir, et semblent bouillantes à minuit ; l’aurore les refroidit ensuite, et le midi les glace ; chaque jour est témoin de cet effet. On trouve aussi dans cet endroit un sel fossile que les prêtres de ce temple portent quelquefois en Égypte dans des corbeilles, et dont ils font présent au roi ou à d’autres personnages. Ce sel a la transparence du cristal, ses frustes sont très gros, et excèdent quelquefois trois doigts de longueur. Plus pur que le sel marin, on le réserve en Égypte pour les cérémonies religieuses et pour les sacrifices.

Alexandre admire la beauté du lieu ; consulte l’oracle, en reçoit, dit-il, une réponse favorable, et retourne en Égypte. Selon Aristobule, par le même chemin ; selon Ptolemée, par celui de Memphis qui est le plus court.

Chap. 3. Plusieurs députations grecques viennent trouver Alexandre à Memphis ; chacune obtint ce qu’elle demandait ; il y reçoit une recrue de quatre cents Grecs, soudoyés par Antipater, sous la conduite de Ménétas ; et une autre de cinq cents chevaux thraces, commandés par Asclepiodore. Il sacrifie à Jupiter Basileus ; conduit la pompe avec toutes ses troupes sous les armes, et fait célébrer des jeux dramatiques et gymniques. S’occupant ensuite du gouvernement de l’Égypte, il y établit deux satrapes égyptiens, Doloaspis et Petisis, auxquels il partagea tout le pays ; mais Petisis n’ayant point accepté, Doloaspis gouverna seul.

Alexandre tire des Hétaires, Pantaléon de Pydne, et Polémon de Pella, qu’il laisse avec garnison, l’un à Memphis, et l’autre à Péluse : le commandement des étrangers soldés fut confié à l’Étolien Lycidas ; Eugnostus, un des Hétaires, leur fut adjoint pour la comptabilité ; Eschyle et Ephippus de Chalcédoine furent chargés de la surveillance ; Apollonius fut nommé satrape de la Lybie voisine, et l’Ecnaucratien Cléomène, de l’Arabie que regarde Héroopolis, avec ordre de ne rien changer à l’administration des impôts qui, levés par les principaux du pays, seraient ensuite versés entre leurs mains. Le commandement des troupes laissées en Égypte, fut remis à Peucestas et à Balacre ; celui de la flotte à Polémon. Balacre, qui était garde de la personne du roi et général de l’infanterie des alliés, fut remplacé dans le premier emploi par Léonnatus, et dans le second, par Calannus. Ombrion de Crète succède, après la mort d’Antiochus, au commandement de la troupe des archers.

Alexandre divisa ainsi entre plusieurs le gouvernement de l’Égypte, frappé de l’importance et des forces du pays,