Page:Liskenne, Sauvan - Bibliothèque historique et militaire, Tome 1, 1835.djvu/877

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
876
ARRIEN, LIV. VI.

du fleuve. Cette navigation ne fut point sans danger ; il n’avait aucun guide, tous les Indiens de ces bords les ayant abandonnés.

Le lendemain s’élevèrent une tempête et un vent contraire qui refoulait les vagues, et faisait entrechoquer les vaisseaux, de manière qu’il y en eut d’endommagés et même d’entr’ouverts, dont l’équipage eut peine à se sauver.

On fabrique de nouveaux bâtimens ; des détachemens de troupes légères sont envoyés à la découverte dans les terres ; on fait prisonniers quelques Indiens qui servent de guides.

Parvenu à l’endroit où le fleuve a plus de deux cents stades de largeur, un vent de mer venant à souffler avec violence, et l’effort des rames devenant inutile, on s’abrita dans une baie que les Indiens indiquèrent. Un nouveau sujet de crainte vient frapper les Grecs qui ne connaissaient point le flux et le reflux de l’Océan. L’onde se retire et laisse d’abord les vaisseaux à sec ; elle revient au bout d’un temps déterminé, les emporte ; les bâtimens se choquent, quelques-uns sont jetés sur la rive, les autres sont entraînés.

On répare à la hâte le dommage, Alexandre envoie deux bâtimens de charge le long du fleuve pour reconnaître une île où, selon ses guides, il fallait mouiller en route. Cette île s’appelle Cillute ; elle est étendue, on y trouve des sources, elle présente port commode ; Alexandre y fait diriger toute sa flotte ; suivi de ses meilleurs bâtimens, il continue sa navigation pour reconnaître l’embouchure du fleuve, et si la traversée en est facile ; à deux cents stades de l’île, il en découvre une nouvelle avancée dans la mer. Remorquant vers la première, il y aborde, et sacrifie aux Dieux selon l’oracle qu’il prétend avoir reçu d’Ammon. Il cingle le lendemain vers la seconde île, et là, il immole à d’autres Dieux, selon d’autres rites, de nouvelles victimes, en continuant de supposer la volonté des oracles.

Il s’avance au-delà de l’embouchure de l’Indus, et en pleine mer, pour découvrir, disait-il, quelques nouveaux parages, mais au fond pour se vanter, je le pense du moins, d’avoir foulé les ondes de la grande mer qui baigne les Indes. Il précipita dans les flots les taureaux immolés à Neptune et les coupes d’or après les libations. « Dieu puissant ! protégez la course de Néarque dans le golfe Persique, jusqu’à l’embouchure du Tigre ! assurez son retour ! »

Alexandre revient à Patala, y trouve le fort élevé, et Python de retour avec ses troupes, après avoir rempli sa commission. Hephæstion continue les travaux du port et des chantiers. C’est là qu’Alexandre comptait laisser une partie de sa flotte.

Dirigeant alors sa navigation sur le bras gauche de l’Indus, il cherche à reconnaître si la descente en est plus facile. La distance d’une embouchure à l’autre, est d’environ dix-huit cents stades. Arrivé non loin de l’endroit où l’Indus se jette dans la mer, il trouve un vaste lac formé, soit de l’épanchement du fleuve, soit par l’amas des eaux qui coulent des environs. L’Indus grossi par ce lac y ressemble à une mer ; il y nourrit des poissons plus grands que ceux de la Méditerranée. Après avoir mouillé à l’une des baies désignées par les guides, il y laisse tous les bâtimens de transport, et son armée sous les ordres de Léonnatus ; lui-même conduit les triacontères et les birèmes, et franchissant l’embouchure, s’avance de ce côté dans la mer. Ce bras lui parut d’une navigation plus facile que l’autre.

Il aborde, et descendant sur le rivage