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ARRIEN, LIV. VII.

ses disciples et de ses admirateurs, d’accepter son cheval qui était de la race néséenne, et qui sortait des haras du roi. Il distribua aux spectateurs les coupes et les tapis qui devaient être jetés dans le bûcher. Il y monte et s’y étend avec dignité en présence de toute l’armée. Alexandre ne jugea point convenable d’assister au triste spectacle de la mort d’un ami. On admire le courage de Calanus qui demeure immobile au milieu des flammes.

Néarque rapporte qu’au moment où l’on mit le feu, les trompettes sonnèrent par l’ordre d’Alexandre ; toute l’armée poussa le cri des combats ; et les éléphans même firent entendre un frémissement belliqueux qui semblait applaudir à Calanus.

Tels sont les détails que des historiens dignes de foi nous ont transmis sur Calanus ; ce qui montre à quel degré de force et de supériorité s’élève l’esprit humain, lorsqu’il s’arme d’une ferme résolution.

Chap. 2. Alexandre envoie Atropates dans son gouvernement, et prend le chemin de Suse. Il condamne à mort Abulitès, et son fils Oxatre, pour avoir malversé dans leur administration. Les satrapes qu’Alexandre avait établis sur les nations conquises, s’étaient rendus coupables d’une infinité de sacriléges envers les temples et les tombeaux, et de concussions envers les peuples. Ils espéraient que l’expédition dans l’Inde traînerait en longueur ; qu’Alexandre succomberait contre tant de nations ennemies, contre les éléphans, et qu’il périrait au-delà de l’Indus ou de l’Hyphase. Les malheurs surtout que l’armée éprouva dans la Gédrosie, semblaient avoir enhardi la licence des satrapes, qui, dès lors, ne craignirent plus le retour d’Alexandre. Celui-ci, de son côté, trop porté à accueillir toutes les délations, punit du dernier supplice les fautes les plus légères, sur la pensée que les coupables avaient projeté d’en commettre de plus grandes.

Il fit ensuite célébrer à Suse plusieurs mariages. Il y épousa Barsine, la fille aînée de Darius, et donna Drypetis, autre fille du roi persan, à Héphæstion qu’il voulait s’allier. Déjà époux de Roxane, fille du Bactrien Oxyarte, il le devint encore, si l’on en croit Aristobule, de Parisatis, la plus jeune des filles d’Ochus ; Cratérus épousa Amastrine, fille d’Oxyarte, frère de Darius ; Perdiccas, la fille d’Atropates, satrape des Mèdes ; Ptolémée, le Somatophylax, Artacama, une des filles d’Artabase ; l’autre, Artonis, fut donnée, au secrétaire Eumènes ; Néarque eut la fille de Barsine et de Mentor, Séleucus celle du Bactrien Spitamenès. Les autres Hétaires furent également unis à quatre vingts filles des Persans et des Mèdes les plus illustres. La cérémonie se fit à manière des Perses.

Après un festin où tous les prétendans étaient placés suivant leurs grades, on amena, près de chacun d’eux, leurs fiancées dont ils reçurent la main, et qu’ils embrassèrent en suivant l’exemple du prince. Il n’y eut pour tous ces mariages qu’une cérémonie, dans laquelle on crut voir le témoignage le plus populaire de l’attachement et de l’amitié d’Alexandre pour les siens. Chacun d’eux emmène sa femme ; Alexandre dota ces Persanes, et fit aussi des présens de noce à tous les Macédoniens qui épousèrent des Asiatiques, et dont les noms inscrits sur des registres se montaient à plus de dix mille.

Il voulut en outre acquitter les dettes de ses soldats ; il demande, à cet effet, un état de ce qui était dû par chacun d’eux ; peu voulurent d’abord faire cette déclaration, le plus grand nombre crai-