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ARRIEN, LIV. VII.

gnant qu’Alexandre ne l’eût demandée pour connaître les soldats qui dépensaient plus que leur paie. On fait part au prince de ce refus ; celui-ci blâmant la défiance du soldat : « Un roi ne doit jamais manquer de parole à ses sujets ; chacun de ceux-ci doit toujours compter sur la parole de son roi. » Il fait dresser dans le camp, des tables chargées d’or ; on paie tous les créanciers qui se présentent ; on déchire toutes les obligations ; on ne prend pas même les noms de ceux qui les ont souscrites. On ne douta plus de la parole d’Alexandre, et on lui sut plus de gré de cette délicatesse que de ses libéralités mêmes, qui s’élevèrent, dit-on, à vingt mille talens. Il en combla beaucoup d’autres de présens proportionnés à leurs grades ou à leurs vertus guerrières ; décerna plusieurs couronnes d’or à ceux qui s’étaient le plus distingués ; à Peucestas, qui l’avait couvert de son bouclier chez les Malliens ; à Léonnatus, qui l’avait défendu dans la même occasion, courut les plus grands dangers dans l’Inde, vainquit les Oritiens et leurs voisins, et les contint dans l’obéissance ; à Néarque, pour avoir ramené la flotte depuis l’Indus jusqu’au Tigre ; à Onésicrite, pilote du vaisseau royal ; à Héphæstion et aux autres gardes de sa personne.

Les satrapes des pays vaincus et des villes fondées par Alexandre, viennent le trouver, lui amènent trente mille jeunes gens dans la fleur de leur printemps, et tous du même âge. Alexandre les appelle ses Épigones, c’est-à-dire, sa postérité. Ils sont tous instruits dans la tactique des Grecs dont ils portent l’armure.

Les Macédoniens virent d’un mauvais œil leur arrivée. « Alexandre, disaient-ils, ne cherche que tous les moyens de se passer de ses vieux soldats : quelle honte ! il a revêtu la robe longue et traînante des Mèdes ; ses noces mêmes, auxquelles nous avons participé avec éclat, ont été célébrées à la manière des Perses : il se plaît à entendre le langage barbare de Peucestas qui balbutie le persan : Bactriens, Sogdiens, Arachotes, Zarangues, Ariens, Parthes ou cavaliers persans, qu’on appelle Évaques, tout ce qu’il y a de plus robuste et de plus distingué chez les barbares, grossit indifféremment la cavalerie des Hétaires, dont il vient de créer un cinquième corps composé en grande partie d’étrangers. N’a-t-il pas admis dans l’Agéma Cophès, Hydarne, Artibole, Phradasmènes et les fils de Phrataphernes, satrape des Parthes et de l’Hyrcanie ; Itanes, Roxanès, frère de l’épouse du prince ; Ægobares et son frère Mithrobée, tous rangés sous le commandement du Bactrien Hydaspe, et armés de piques macédoniennes au lieu de javelots : Alexandre embrasse les mœurs des Barbares, il a oublié, il méprise les institutions des Macédoniens. »

Héphæstion est chargé de conduire la plus grande partie de l’infanterie vers le golfe Persique. La flotte touche au pays des Susiens ; Alexandre s’y embarque avec les Hypaspistes, l’Agéma et une partie de la cavalerie des Hétaires. Il descend l’Eulée jusqu’à la mer, ayant laissé sur le fleuve les vaisseaux pesans ou endommagés pour monter les plus légers, avec lesquels il cingle, en rasant la côte, vers l’embouchure du Tigre. Le reste de la flotte doit se rendre dans le Tigre par le canal qui le joint à l’Eulée.

Deux fleuves, l’Euphrate et le Tigre, enferment cette partie de l’Assyrie, qui, par cette raison, a reçu le nom de Mésopotamie. Le Tigre, dont le niveau est