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ARRIEN, LIV. VII.

quérant des couronnes d’or : ils lui rendaient des honneurs divins, et il allait mourir.

Après avoir loué Peucestas de la modération et de la sagesse de son administration, et les Perses de leur zèle et de leur soumission envers leur satrape, il incorpora ces derniers aux phalanges macédoniennes. Chaque file est composée de douze persans et de quatre officiers macédoniens : le décadarque, le premier d’entre eux, le dimoïrite, et deux décastatères officiers inférieurs, ils reçoivent une paie plus forte que les autres ; le décastatère est moins payé que le dimoïrite. Les Persans portent des flèches et des javelots, les Macédoniens sont couverts de l’armure grecque.

Alexandre continue d’exercer sa flotte ; les trirèmes et les quadrirèmes se disputent avec chaleur les prix proposés ; les vainqueurs reçoivent des couronnes.

La députation envoyée au temple d’Ammon, pour consulter l’oracle sur les honneurs à décerner au favori, rapporte la réponse du Dieu ; qu’Héphæstion doit être honoré comme un héros : plein de joie, Alexandre obéit à l’oracle.

Il écrit alors à Cléomène, administrateur coupable qui accablait l’Égypte de vexations, une lettre que je ne saurais approuver, en pardonnant même l’excès où l’entraîna son amitié pour Héphæstion. Il ordonnait d’ériger deux temples au favori, l’un dans Alexandrie, et l’autre dans l’île du Phare où s’élève cette tour, l’une des merveilles du monde ; de consacrer ces monumens sous le nom d’Héphæstion, d’apposer même ce nom à toutes les transactions particulières.

Si on peut le blâmer d’avoir porté dans tout ceci de l’exagération, que dire de cette lettre : « Si je trouve, à mon arrivée, ces temples élevés dans l’Égypte, non seulement je te pardonnerai tous les méfaits passés, mais encore tous ceux à venir. » Paroles indignes d’un grand roi, et d’être adressées à un scélérat dont l’administration s’étendait sur un grand pays.

La mort d’Alexandre était prochaine ; un nouveau prodige, rapporté par Aristobule, l’annonça.

Après avoir distribué dans les corps de son armée les troupes amenées par Peucestas, Philoxène et Ménandre, se sentant pressé de la soif, Alexandre descendit de son trône. Les Hétaires, qui occupaient à l’entour des lits aux pieds d’argent, s’étaient levés pour le suivre. Un inconnu, échappé aux fers, traverse les rangs des eunuques, et voyant le trône vide, s’y place. Les eunuques n’osent l’en chasser, une loi de la Perse le défend ; ils déchirent leurs vêtemens, frappent leur visage et leur poitrine, et n’augurent que malheurs.

Alexandre à cette nouvelle donne ordre de le mettre à la question, et d’en tirer l’aveu du complot, s’il en existe un : on ne put en obtenir autre chose, sinon qu’une fantaisie imprudente l’avait poussé à cette action. Les devins conçurent de cette réponse un présage encore plus sinistre.

Peu de jours après, le prince, pour remercier les Dieux de ses succès, fit les sacrifices accoutumés. On distribua des victimes à l’armée, et du vin par compagnies. Lui-même il passa la journée avec ses amis, dans des festins qui se prolongèrent jusqu’au milieu de la nuit. Il allait se retirer, lorsque Médius, l’un des Hétaires qu’il chérissait le plus, l’engagea à venir chez lui achever la débauche, qu’il lui promettait agréable.

Les journaux du roi rapportent que le premier jour il but et mangea chez Médius ; se leva, prit le bain, dormit.

Le lendemain, il revint chez le même ; poussa la débauche fort avant dans la