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ARRIEN, LIV. VII.

nuit ; se baigna ; mangea très peu ensuite ; y coucha, parce qu’il avait déjà un mouvement de fièvre.

Le troisième jour, porté dans sa litière, il fit les sacrifices accoutumés, et demeura couché jusqu’au soir. Il assemble les chefs, trace la marche de la navigation, ordonne à l’infanterie d’être prête pour le quatrième jour, et à ceux qui doivent s’embarquer avec lui, pour le cinquième ; il se fait porter dans sa litière au bord du fleuve, le traverse, se rend dans un jardin délicieux, y prend le bain et s’y repose.

Le quatrième jour il fait les sacrifices accoutumés, cause avec Médius, et donne ordre aux chefs de se rendre auprès de lui le matin ; mange peu, est reporté dans son lit ; la fièvre eut lieu toute la nuit.

Le cinquième il prend le bain, sacrifie, assigne à trois jours le départ de Néarque et des autres chefs.

Le sixième il prend un bain, sacrifie ; la fièvre est continue. Les chefs sont convoqués, tout est fixé pour leur départ ; il prend le soir un bain, et se trouve plus mal.

Le septième on le transporte dans un appartement voisin du bain ; il sacrifie, et, quoique gravement malade, rassemble les chefs, et donne de nouveaux ordres pour la navigation.

Le huitième on le porte avec peine au lieu du sacrifice : mêmes ordres.

Le neuvième, le danger est extrême ; il sacrifie cependant. Il commande aux stratéges de rester dans l’intérieur, et aux Chiliarques et aux Pentacosiarques de faire la garde aux portes. On le transporte à l’extrémité des jardins dans le palais. Entouré de ses chefs, il les reconnut, mais ne put leur parler : il eut une fièvre violente pendant toute la nuit.

Le dixième la fièvre redouble jour et nuit.

Tel est le bulletin que j’ai tiré des journaux du roi. Ils ajoutent que les soldats désirant le voir avant qu’il expirât, et s’imaginant, sur le bruit de sa mort, déjà répandu, qu’on voulait leur en dérober la nouvelle, forcèrent les portes. Le prince avait déjà perdu la parole ; soulevant avec peine la tête et les yeux pour leur donner quelques signes de bienveillance, il leur tendit la main.

Python, Attale, Démophon, Peucestas, Cléomène, Menidas et Séleucus passèrent la nuit au temple de Sérapis ; ils demandèrent au Dieu, s’il ne convenait point de transporter Alexandre dans son temple. « Il sera mieux où il est, » répondit l’oracle.

On rapporta cette réponse à Alexandre, qui expira quelques instans après. Sa mort était le sens que cachait l’oracle.

Ptolémée et Aristobule s’accordent sur ces détails. D’autres historiens rapportent que les Hétaires lui demandant à qui il laissait l’empire, il répondit : au plus digne. Et qu’il ajouta : « Les jeux funèbres que l’on célébrera sur ma tombe seront sanglans. »

Je n’ignore point tout ce que d’autres ont écrit ; qu’Alexandre fut empoisonné par une trame d’Antipater : qu’Aristote, alarmé depuis la mort de Callisthène, fournit le poison ; que Cassandre, fils d’Antipater, l’apporta dans la corne du pied d’un mulet, qu’il fut versé par son frère Iolas, échanson du roi, lequel l’avait humilié depuis quelque temps ; que Médius, amant d’Iolas, en fut complice ; qu’à ce dessein, il attira le prince à un festin ; qu’aussitôt après avoir avalé ce breuvage, Alexandre sentit une douleur violente qui le força de quitter la table ; et qu’enfin ce prince, désespérant de sa vie, avait formé le projet de se précipiter dans l’Euphrate pour dérober sa mort à ses soldats, et persua-

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