Page:Liskenne, Sauvan - Bibliothèque historique et militaire, Tome 1, 1835.djvu/899

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
 Les corrections sont expliquées en page de discussion
898
ARRIEN, LIV. VII.

der au reste des hommes qu’il était remonté vers les Dieux, auteurs de son origine ; qu’il fut retenu par Roxane et qu’il lui dit en pleurant : Eh quoi ! vous m’enviez les honneurs célestes.

Je n’ai rapporté ces particularités que pour montrer qu’elles m’étaient connues ; je les ai jugées indignes de l’histoire.

Alexandre mourut la cent quatorzième olympiade, Hégésias étant archonte à Athènes. Il était âgé de près de trente-deux ans et huit mois, au rapport d’Aristobule : il régna un peu plus de douze ans et demi.

Il était d’un très bel extérieur, d’une résolution prompte et infatigable, d’un courage à toute épreuve ; avide de périls et encore plus d’honneurs et de gloire ; plein de piété, assez indifférent aux voluptés sensuelles, insatiable de plus nobles plaisirs, habile à saisir le meilleur parti dans des conjonctures difficiles, à peser, à augurer les probabilités du succès ; n’ayant point d’égal dans l’art d’ordonner des troupes, de les armer, de les gouverner, d’inspirer de la confiance aux soldats, et de relever leur courage en leur donnant le premier l’exemple d’affronter les périls avec une constance inébranlable.

Dans les entreprises douteuses, son audace décidait la victoire. Eh ! qui sut mieux que lui prévenir des ennemis qu’il accablait de sa présence avant qu’ils eussent pu seulement soupçonner sa marche ? Il fut religieux observateur de ses engagemens, d’une prudence en garde contre tous les piéges, d’une générosité qui ne réservant rien pour lui seul, prodiguait tout à ses amis.

Que s’il faillit dans des premiers mouvemens de colère, s’il imita le faste insolent des Barbares, il faut en accuser sa jeunesse, sa prospérité même, et surtout les flatteurs, cette peste des cours.

Mais il faut remarquer, à sa gloire, que de tous les despotes il est le seul qui se soit sincèrement repenti. La plupart, en effet, s’obstinent iniquement dans leur faute qu’ils croient pallier en la soutenant ; comme si, dans ce cas, il pouvait y avoir un autre remède que d’avouer sa faute, et de l’avouer hautement ; l’offensé croit que l’injure s’allége par le repentir de l’offenseur : c’est une heureuse présomption qu’on cessera de mal faire, alors que l’on confesse avoir mal fait.

Que s’il a rapporté son origine aux Dieux, ce n’est pas un grand crime, il se proposait d’imprimer plus de respect aux sujets ; imitateur en ceci de Minos, d’Éaque, de Rhadamante, de Thésée, d’Ion, qui ont fait remonter leur naissance, les uns à Jupiter, les autres à Neptune et à Apollon.

Il revêtit l’habit des Perses, mais par politique, pour leur paraître moins étranger, pour contenir l’orgueil des Macédoniens : et tel fut le motif qui lui fit introduire les mélophores persans dans les rangs des Macédoniens et dans l’Agéma.

S’il se livra à la débauche, ce fut moins par goût que pour complaire à ses amis ; car Aristobule rapporte qu’il buvait très peu.

Que ceux qui blâment Alexandre ne le jugent point sur des faits isolés, mais sur l’ensemble de ses actions ; que jetant ensuite un coup d’œil sur eux-mêmes, ils examinent leur propre faiblesse et la manière dont ils se sont réglés dans leur sphère étroite, avant que de condamner celui qui s’éleva au plus haut degré de gloire, monarque de deux continens, et dont la renommée s’est étendue par toute la terre. En effet, il n’est point de nations, point de cités, point d’hommes qui ne connussent alors le nom d’Alexandre.