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POLYBE, LIV. XXXIV.

22 500 stades de distance des Malées aux Colonnes), supposons que le trajet eût été fait d’une vitesse également soutenue pendant neuf jours, c’eût été pour chaque jours 2 500 stades. Or, a-t-on jamais ouï dire que les 4 000 stades qui se comptent d’Alexandrie jusqu’à Rhodes ou la Lycie, aient été faits en deux jours ? Quant à ceux qui demandent comment Ulysse, ayant abordé trois fois en Sicile, n’aurait pas une seule fois traversé le détroit, on leur répondra que bien des siècles encore après lui on évitait soigneusement ce passage. »

Ainsi parle Polybe, et en général il dit bien. Toutefois, lorsqu’il prétend qu’Ulysse n’a point pénétré jusque sur l’Océan, et que, pour le prouver, il combine exactement les journées de navigation avec les distances, il est inconséquent à l’excès. En effet, Polybe tout à la fois cite le poëte,

Des vents pernicieux malgré moi m’emportèrent ;

et il ne le cite pas ; car Homère a dit également :

Mais du fleuve Océan bientôt suivant le cours,
Le vaisseau.....

Comme aussi :

Dans l’île d’Ogygée, au milieu de la mer,

où, selon lui, habitait la fille d’Atlas ; à quoi l’on peut ajouter ce qu’il fait dire par les Phocéens :

Reculés dans le sein de la mer ondoyante,
Nous vivons séparés du reste des humains ;

tous passages dans lesquels évidemment il s’agit de la mer Atlantique, et que Polybe omet pour détruire le sens des expressions les plus claires. Mais quand il soutient qu’Ulysse erra autour de la Sicile et de l’Italie, il a raison. (Strabo, lib. i.) Schweigh.


III.


Polybe, dans sa description des diverses contrées de l’Europe, annonce qu’il ne parlera point des anciens géographes, mais qu’il examinera les opinions de ceux qui les ont critiqués, comme, par exemple, celle de Dicéarque et d’Ératosthène, le dernier des auteurs qui jusqu’alors eussent travaillé sur la géographie ; comme encore celle de ce Pythéas par qui tant de monde s’en est laissé imposer. En effet, c’est Pythéas qui prétend avoir parcouru toutes les parties accessibles de la Bretagne, et qui dit que la circonférence de cette île a plus de 40 000 stades. C’est Pythéas qui nous parle de Thulé et de ces régions où il ne subsiste plus de terre proprement dite, ni mer, ni air, mais où l’on trouve seulement une espèce de concrétion de ces élémens, semblable au poumon marin, « matière, nous dit-il, qui, enveloppant de tous côtés la terre, la mer, toutes les parties de l’univers, en est comme le lien commun, et au travers de laquelle on ne saurait naviguer, ni marcher ; » à quoi il ajoute que, quant à la matière pareille à la substance du poumon marin, il peut attester qu’elle existe, parce qu’il l’a vue, mais que le reste il le rapporte sur la foi d’autrui. Tels sont les récits de ce voyageur, qui, de plus, assure qu’à son retour de ces contrées, il parcourut toutes les côtes de l’Europe sur l’Océan, depuis Gadès jusqu’au Tanaïs.

« Mais, nous dit Polybe, un particulier, et un particulier peu riche, comme Pythéas, a-t-il donc pu faire des voyages de si long cours, tant par terre que par mer ? Comment Ératosthène, doutant s’il devait en général ajouter foi aux relations de ce navigateur, les adopte-t-il en particulier à l’égard de