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POLYBE, LIV. XXXV.

quelle inspirât de la terreur à quiconque serait tenté de suivre leur exemple.

Les Belles et les Tithes s’étant retirés, on introduisit les Arévaques. Quoique dans leurs paroles ils affectassent quelque espèce d’humiliation, il ne fut pas difficile d’apercevoir qu’ils ne se croyaient pas vaincus, et que le fond de leur cœur ne répondait pas à leur discours. Ils rejetèrent les échecs qu’ils avaient reçus sur l’inconstance de la fortune ; ils dirent que les victoires qu’on avait remportées sur eux avaient long-temps été disputées ; ils osèrent même insinuer qu’ils avaient eu de l’avantage dans les combats qu’ils avaient livrés aux Romains ; que cependant, si on leur imposait quelque peine, ils s’y soumettraient volontiers, pourvu qu’après avoir par là expié leur faute, on les rétablît sur le pied de l’ancienne confédération que Tibérius Gracchus avait établie en Espagne.

Les Arévaques congédiés, on écouta les députés de Marcellus, sur le rapport desquels le sénat, ayant aperçu qu’ils penchaient à finir la guerre, et que le consul lui-même était plus favorable aux ennemis qu’aux alliés, répondit aux ambassadeurs des uns et des autres que Marcellus en Espagne leur ferait connaître les intentions du sénat. Dans la persuasion où il était que le conseil qu’avaient donné les Belles et les Tithes était avantageux à la république, que l’orgueil des Arévaques devait être réprimé, et que Marcellus n’osait par timidité continuer la guerre, il donna aux députés qu’il envoyait en Espagne un ordre secret de la continuer à outrance contre les Arévaques et d’une manière digne du nom romain. Comme on n’avait pris cette résolution que parce qu’on ne comptait pas beaucoup sur le courage de Marcellus, il pensa aussitôt après à donner un autre chef à l’armée d’Espagne, et qui devait être l’un des deux consuls, Aulus Posthumius Albinus et L. Licinius Lucullus, qui alors étaient entrés en exercice. On s’appliqua ensuite à faire de grands préparatifs. De là on attendait la décision des affaires de l’Espagne. Les ennemis subjugués, on se flattait que tous les peuples de ce continent recevraient la loi de la république dominante, au lieu que si l’on se relâchait, la fierté des Arévaques se communiquerait par contagion à toute la contrée.

Malgré le zèle et l’ardeur du sénat en cette occasion, quand il s’agit de lever des troupes, on vit une chose dont on eut lieu d’être extrêmement surpris. On avait appris à Rome, par Quintus Fulvius et par les soldats qui avaient servi sous lui en Espagne l’année précédente, qu’ils avaient été obligés d’avoir presque toujours les armes à la main, qu’ils avaient eu des combats sans nombre à livrer et à soutenir, qu’une infinité de Romains y avaient péri, que le courage des Celtibériens était invincible, que Marcellus tremblait qu’on ne lui ordonnât de leur faire plus long-temps la guerre. Ces nouvelles jetèrent la jeunesse dans une si grande consternation, qu’à entendre parler les plus vieux Romains, on n’en avait jamais vu une semblable. Enfin l’aversion pour le voyage d’Espagne crut à un tel point, qu’au lieu qu’autrefois l’on trouvait plus de tribuns qu’on n’en demandait, il ne s’en présenta pas un seul pour cet emploi. Les anciens officiers, quoique désignés par les consuls pour marcher avec le général, refusèrent de le suivre. Ce qu’il y eut de plus déplorable, c’est que la jeunesse romaine, quoique citée, ne voulut pas se faire inscrire et, pour éviter l’enrôlement, se servit de pré-

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