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POLYBE, LIV. XL.

eux, leurs femmes et leurs enfans. Tous, comme emportés par un torrent impétueux, cédaient à l’impudence et à la fureur de leur chef. Les Éléens et Les Messéniens restaient chez eux et attendaient, en tremblant, la flotte des Romains ; et en effet rien n’eût pu les sauver si la nuée qui devait crever sur eux eût suivi la route qu’elle avait prise d’abord. Les habitans de Patres et les peuples du ressort de cette ville avaient été, peu auparavant, battus dans la Phocide, et leur sort fut le plus à plaindre. Rien de plus déplorable n’était arrivé dans le Péloponnèse. Les uns se donnèrent la mort, les autres, effrayés de ce qui se passait dans les villes, s’en retirèrent et prirent la fuite sans savoir où ils allaient. On en voyait qui se livraient les uns les autres aux Romains comme coupables de leur avoir été contraires. D’autres allaient d’eux-mêmes, et sans qu’on les y obligeât, dénoncer leurs compatriotes. Quelques-uns, en posture de supplians, avouaient, sans qu’on les interrogeât, qu’ils avaient violé les traités, et demandaient par quelle peine ils pourraient expier leur crime. On ne voyait partout que des furieux qui se jetaient dans des puits ou qui se précipitaient du haut des rochers. En un mot, l’état de la Grèce était alors tel que ses ennemis même en auraient été touchés de compassion. Avant ce dernier malheur, les Grecs en avaient déjà éprouvé d’autres, ils avaient été même entièrement abattus, soit par des dissensions intestines, soit par la perfidie des rois ; mais, dans ce temps-ci, ils ne purent s’en prendre qu’à l’imprudence de leurs chefs et à leur propre imbécillité. Pour les Thébains, ils sortirent tous de leur ville et la laissèrent déserte. Pythéas se retira dans le Péloponnèse avec sa femme et ses enfans, errant de côté et d’autre sans savoir où se fixer. (Vertus et Vices.) Dom Thuillier.


Le même.


Pendant que Diæus, après avoir été fait préteur, était à Corinthe, Andronidas vint l’y trouver, de la part de Q. Cæcilius Métellus, et en fut mal reçu. Comme le préteur avait déjà eu soin de le décrier comme un homme qui s’entendait avec les Romains et agissait pour eux, il le livra, lui et sa suite, à la multitude, qui leur fit mille outrages et les chargea de chaînes. Le Thessalien Philon vint aussi faire des offres avantageuses aux Achéens. Quelques-uns du pays, et entre autres Stratius, alors fort âgé, l’écoutèrent avec plaisir. Le bon vieillard, embrassant Diæus, le pria d’accepter les offres qu’on lui faisait. Mais le conseil les rejeta, sous prétexte que Philon s’était chargé de cette commission, non en vue du salut commun de la patrie, mais pour son propre intérêt. Ce fut là le résultat de ce conseil. Aussi ne fit-on rien comme il fallait. Car si la manière dont on s’était conduit ne permettait pas que l’on espérât quelque grâce de la part des Romains, au moins devait-on s’exposer généreusement à tout pour sauver l’État. Voilà ce qu’on attendait de gens qui se donnaient pour chefs de la Grèce. Mais c’est une résolution qu’ils ne pensèrent pas même à prendre. Et comment une telle pensée leur serait-elle venue à l’esprit ? Les premiers de ce conseil étaient Diæus et Damocrite, qui l’un et l’autre venaient d’être rappelés d’exil, à la faveur des troubles qui régnaient. Ils avaient pour assesseurs Alcamène, Théodecte et Archicrate, tous gens dont nous avons peint plus haut le caractère, le génie et les mœurs. Il ne pouvait partir d’un conseil ainsi