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Les vélites se rassemblèrent par pelotons à une petite distance derrière ; enfin la cavalerie romaine, partagée en deux grands corps de quinze cents maîtres, et subdivisée par escadrons de trois turmes, forma une troisième ligne derrière les vélites. Cette disposition ne regardait que les deux ailes, les Espagnols occupant le centre avec une ordonnance qui se rapprochait plutôt de la phalange que de la légion.

Scipion prit le commandement de la droite ; Julius Silanus, avec qui le proconsul avait concerté le plan d’attaque, se mit à la tête de la gauche.

L’armée s’ébranla donc dans l’intention de charger l’ennemi quand même il ne bougerait pas de sa place. Mais Asdrubal, qui croyait avoir assez étudié l’ordre de bataille de son adversaire, et s’attendait sans doute à l’envelopper, lui épargna la moitié du chemin. Il s’avança, comme nous l’avons dit, sur une seule ligne, les Africains au centre, les Espagnols à droite et à gauche ; la cavalerie qui flanquait les ailes, se trouvait elle même couverte par les éléphans.

Les armées en étaient venues à une petite distance, lorsque Scipion ordonna un demi à droite et un demi à gauche, par cohorte, peloton de vélites, escadron ; et mit ses trois lignes en mouvement au pas accéléré, gagnant du terrain sur sa droite et sur sa gauche, et faisant conserver à ses guides une direction parallèle au front de l’ennemi. Les deux ailes s’éloignèrent ainsi du centre par un mouvement oblique à la ligne primitive.

Lorsqu’elles furent arrivées à la hauteur de l’extrémité de l’infanterie carthaginoise, Scipion développa sa manœuvre. Les cohortes se remirent en bataille par un simple demi à gauche pour son aile droite ; un demi à droite pour son aile gauche, et marchèrent directement à l’attaque des Espagnols.

Le général romain entremêlant ses vélites et sa cavalerie, allait déborder ce même ennemi qui se croyait assez nombreux pour l’envelopper. Mais il avait voulu dérober son mouvement, et c’est pour cette raison qu’il ne prolongea pas son front de bandière. Ses pelotons de vélites, et ses escadrons ne purent donc se déployer comme les cohortes ; ils achevèrent au contraire le quart de conversion à droite ou à gauche, et marchèrent en deux colonnes parallèles.

Aussitôt que les têtes de colonnes eurent dépassé les cohortes, elles se formèrent sur la nouvelle ligne, par un à gauche ou un à droite en bataille, chaque peloton de vélites étant immédiatement suivi de l’escadron correspondant qui venait se mettre à côté de lui par un mouvement accéléré. Les pelotons de vélites et les escadrons qui avaient la droite, prirent ainsi la gauche de la nouvelle ligne ; l’ennemi se trouva débordé.

Cependant les Espagnols marchaient au pas ordinaire, comme Scipion leur en avait donné l’ordre ; car il ne voulait pas les engager dans une lutte trop inégale avec les troupes africaines ; il désirait seulement tenir ce centre formidable en échec, et l’empêcher de dédoubler ses files pour aller au secours des ailes.

Le résultat de cette manœuvre fut tel que Scipion avait pu l’espérer. La cavalerie carthaginoise attaquée de front, et de flanc, fut renversée sans peine. Les éléphans épouvantés par les vélites, poussés, blessés par leurs traits et ceux des cavaliers, se jetèrent sur l’infanterie d’Asdrubal et lui firent beaucoup de mal. Enfin les Espagnols, hors d’état de lutter contre les légions romaines, et qui, dans cette circonstance, étaient sortis sans prendre de nourriture, furent mis en déroute.