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pygie, que nous nommons aujourd’hui la Pouille, ou Denys, tyran de Syracuse, qui avait passé le détroit de Sicile, et assiégeait alors la ville de Rhège, prit à sa solde ces hordes égarées vers les extrémités de l’Italie.

Cet événement, devenu depuis si mémorable, fit en ce temps peu de bruit. Rome et les Gaulois étaient tellement ignorés des peuples policés, qu’un auteur grec, Héraclide de Pont, cité par Plutarque (Vie de Camille) dit, dans un Traité De la nature de l’âme, auquel il travaillait alors : « La nouvelle est venue du côté du Couchant, qu’une armée d’Hyperboréens a pris une ville grecque appelée Rome, et située au bord de la grande mer. »

Ce passage qui contient autant d’erreurs que de mots, prouve, ce me semble, à quel point le Nord et l’Occident étaient ignorés des Grecs. L’Orient seul attirait leurs regards.

Le saccagement de la première ville de l’Italie avait répandu une grande terreur dans cette longue presque île, et disposait les esprits de tous les peuples qui l’habitaient, à regarder les Gaulois comme l’ennemi commun, et le plus dangereux de tous.

Denys, secouru long-temps par les Lacédémoniens, voulut les aider à son tour, quand Épaminondas eut gagné sur eux la bataille de Leuctres. Il envoya successivement plusieurs corps de Gaulois ; et ce fut lui qui leur fit connaître ces belles contrées. Mais tandis que les Grecs introduisaient ces hordes occidentales dans les royaumes qu’ils se disputaient en Asie, les Romains, plus sages et plus prudens, les repoussaient de leurs frontières.

Les nations les plus belliqueuses de l’Italie défendaient vainement leur indépendance. Tous les peuples autour de Rome s’affaiblissaient ; Rome se fortifiait et augmentait sans cesse. Cependant les Samnites, les Étrusques et les Ombres s’étant unis, on engagea les Gaulois dans cette ligue. Les alliés livrèrent cette fameuse bataille de Sentinum (an de Rome 459), dans laquelle le chef des Gaulois fut tué, et où le consul Décius périt après s’être dévoué pour la patrie.

Les Sénons vaincus avaient promis aux Romains de ne plus envahir leurs terres ; mais douze ans s’étaient à peine écoulés, que les Samnites, les Étrusques, les Lucaniens, les Brutiens, et les peuples de l’extrémité de l’Italie qu’on nommait la Grande-Grèce, s’étant de nouveau réunis contre Rome, voulurent avoir avec eux des soldats de la tribu Sénonaise qui avait brûlé cette ville.

À peine ils sortaient de leur pays, qu’ils rencontrèrent une armée romaine. C’était non loin des sources de l’Arno, sous les murs d’Arrétium. Le préteur Lucius Cécilius voulut s’opposer à leur passage ; mais ils le culbutèrent, mirent son armée en déroute, et lui-même fut tué.

L’usage des Romains était d’envoyer chez les peuples qui les avaient offensés des espèces de prêtres-hérauts appelés feciaux ; ils leur portaient les plaintes du sénat, demandaient satisfaction, et s’ils ne l’obtenaient, déclaraient la guerre. Ceux qu’on députa aux Sénons, dans cette circonstance, furent attaqués par le jeune Britomar, qui voulait venger son père tué à la bataille de Sentinum ; il en massacra quelques-uns.

Le consul Dolabella, qui suivait de près avec des forces considérables, entre sur les terres Sénonaises, brûle les villages, fait passer au fil de l’épée tous les enfans mâles au-dessus de dix ans, emmène avec lui les autres, ainsi que les filles et les femmes, et les envoie repeupler le territoire de Rome.