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À la première nouvelle de l’invasion du consul, les Sénons, qui resserraient la petite ville d’Arrétium, levèrent le siége et coururent vers Rome, dans l’espérance de la détruire une seconde fois ; mais ils trouvèrent sur leur route le camp de l’autre consul Cn. Domitius Calvinus.

Les Gaulois l’attaquèrent avec autant de fureur que de désordre. Ils furent tous tués ou faits prisonniers, c’est-à-dire réduits à l’esclavage.

Les Boïes prirent d’abord les armes, et crurent devoir venger leurs frères. Le terrible Dolabella les défit sur les bords du lac Vadimon (le lac Bassanello), et acheva d’exterminer, dans cette bataille, le reste des malheureux Sénons qui, s’étant réfugiés chez les Boïes, avaient marché avec eux contre les légions romaines. Ainsi fut anéantie, en moins d’un mois (an de Rome 470), cette tribu redoutable qui, quatre-vingt-quatre années auparavant, avait eu entre les mains les destinées de l’empire.

Au commencement de l’année suivante, le consul L. Æmilius tailla encore en pièces une armée Boïenne. Ce peuple, craignant le sort des Sénons, demanda la paix, l’obtint, et resta tranquille pendant quarante-cinq années, tant était grande la terreur que lui inspirait Rome, et la faiblesse où ses défaites l’avaient réduit.

Pendant ces quarante-cinq années, Rome avait conquis les colonies grecques de l’Italie ; repoussé Pyrrhus qui venait au secours des Tarentins ; enlevé aux Carthaginois la Sicile, la Corse, la Sardaigne ; et pour comble d’outrage, elle les forçait de signer qu’en Espagne l’Èbre limiterait leurs prétentions.

Ce fut après la première guerre punique, et lorsque Rome, victorieuse et paisible, pouvait disposer de toutes ses forces, que le petit peuple Boïen résolut de rompre la trève et d’attaquer les vainqueurs. Des vieillards, témoins des pertes de leur nation, avaient fini leurs jours, dit Polybe ; la jeunesse, brutale et féroce, se croyait invincible ; leurs chefs appelèrent en secret de nouveaux Gaulois, et Polybe ajoute qu’ils cherchèrent querelle aux Romains pour de simples bagatelles.

Des Gaulois transalpins arrivèrent. On ne sait pourquoi, le peuple Boïen s’effraya. Il y eut une grande bataille entre les Boïes et les Gaulois transalpins ; les premiers furent très affaiblis ; les autres périrent ou se retirèrent.

Une armée romaine s’était avancée vers ces cantons, aux premiers bruits d’une nouvelle irruption des peuples qui habitaient au-delà des Alpes. Elle s’en retourna, quand elle fut instruite des divisions nées chez les Boïes, et de la faiblesse où ils étaient réduits.

On peut croire que la terreur du nom romain aurait suffi pour détourner les Gaulois de faire de nouvelles incursions en Italie, si Caïus Flaminius, tribun du peuple, n’avait pas proposé de partager entre les Romains les terres du Picénium, dont on avait chassé les Sénons depuis cinquante ans.

Le Picénium s’étendait derrière l’Apennin, le long du golfe Adriatique. Il paraît que, depuis la destruction des Sénons, ces terres restaient en friche ; que plusieurs sénateurs s’en étaient approprié une partie ; et que des Gaulois, en petit nombre, faisaient paître leurs troupeaux dans ces campagnes désolées.

Polybe ne dit point qu’en partageant ces terres on en chassât les possesseurs, et qu’on en dépouillât aucun propriétaire ; il prétend seulement que ce projet du tribun, qui aujourd’hui nous paraîtrait si sage, était très condamnable, et