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ils se défendent partout ; mais partout ils attaquent. Tandis qu’ils contiennent Annibal en Italie, ils arrachent aux Carthaginois la Sicile, la Sardaigne, les Espagnes ; défont leurs flottes dans tous les combats ; secourent les Ætoliens ; et remportent en Grèce des victoires sur Philippe qui avait voulu se liguer avec leur ennemi.

Ils couvraient la Méditerranée de leurs vaisseaux ; entretenaient jusqu’à sept armées de terre, dont cinq au-delà des mers ; et jamais aucune ne manqua d’armes, de vêtemens, de vivres, ni d’argent. Il est vrai qu’il fallut un instant armer les esclaves, et même enrôler des hommes détenus pour des crimes ; mais alors le sénat pouvait racheter un nombre bien plus considérable de prisonniers de guerre, et ne le voulut pas.

Les Romains méritèrent leur fortune par leur fermeté qu’aucun revers ne put abattre. On ne les vit jamais plus grands qu’après les plus terribles défaites, et lorsqu’on les croyait anéantis. Ce qui confond le lecteur, c’est leur extrême célérité. Seize ans leur suffirent pour reprendre le nord de l’Italie, et Syracuse, et presque toutes les villes de la Sicile qui avaient secoué leur joug, et la Sardaigne révoltée, et les Espagnes, et la Mauritanie, et toutes les provinces de l’Afrique, sujètes de Carthage.

Nous avons vu comment périt Asdrubal, lorsqu’il voulut trop tard se réunir à son frère. Ce fut la république de Marseille qui la première avertit les Romains du passage des Carthaginois. Un second frère d’Annibal, qui l’avait accompagné en Italie, et porta en Afrique la nouvelle de la grande victoire de Cannes, ainsi que les anneaux d’or des cavaliers romains, Magon, quand tout était désespéré, tenta encore d’aller secourir son frère.

Il débarqua en Ligurie, dans le lieu où se trouve aujourd’hui le port de Gènes ; soudoya les petits rois de la Gaule Cisalpine, et jusqu’aux peuples de l’Insubrie au nord de l’Éridan. Les Romains l’attaquèrent, le blessèrent dangereusement, et mirent le découragement dans ses troupes. Magon se rembarqua et alla expirer près des côtes de Sardaigne, avec le regret d’apprendre qu’Annibal, rappelé par le sénat de Carthage, partait pour défendre sa patrie.

Aucune guerre peut-être n’a fait périr tant de rois et de généraux que cette seconde guerre punique.

Deux rois de la Gaule Transalpine succombèrent sous les drapeaux d’Asdrubal. En Espagne, Indibilis fut tué aussi les armes à la main. Deux anciens consuls, Cn. Servilius et M. Minucius ; quatre consuls en charge, Flaminius, Æmilius Paulus, Crispinus, Marcellus, le proconsul Cn. Fulvius, périrent tous sept en combattant contre Annibal. Sempronius Gracchus, autre proconsul, fut surpris par un de ses généraux en Italie, Publius et Cnæus Scipio, tous deux, consulaires, moururent par le glaive en Espagne. Enfin Posthumius, massacré dans la Gaule, fut le onzième consul qui acheta de son sang le salut de la patrie.

Si l’on ajoute Hannon, et les deux frères d’Annibal, et une foule de préteurs et de tribuns militaires, on conviendra que peu de guerres ont moissonné autant de personnages illustres ; même en ne comptant ni le malheureux Syphax, pris par Scipion en Afrique, et mourant près de Rome, à la veille d’y être traîné devant le char de triomphe du vainqueur ; ni Archimède, dont le génie étonnant retarda si long-temps la prise de Syracuse. Le nombre des morts semble incalculable ; les écrivains de