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Page:Liskenne, Sauvan - Bibliothèque historique et militaire, Tome 2, 1836.djvu/134

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Rome ne nous ont jamais dit la vérité. Annibal se vantait déjà d’avoir tué deux cent cinquante mille Romains après la défaite de Cannes.

Une remarque qui mérite la méditation des militaires, c’est qu’aucune des batailles de cette guerre ne devint décisive, et il s’en livra de sanglantes. Nous avons assez dit que le désastre de Cannes ne pouvait entraîner la perte de Rome ; la journée de Zama ne fut pas elle-même irréparable autant que le prétendent les historiens.

Carthage aima mieux signer un traité honteux que de soutenir un siége, comme elle le fit dans la troisième guerre punique, quand on eut tant répété aux Romains que leur grandeur était attachée à la ruine d’une ville, qu’ils commencèrent à le soupçonner. Mais l’énergie que déployèrent alors les Carthaginois, étant dirigée par le génie d’Annibal qui savait ménager ses ressources, on devait s’attendre à voir prolonger indéfiniment la guerre.

Ce ne fut donc point la bataille de Zama qui perdit Carthage, mais bien l’indécision du sénat, la discorde des citoyens, la haine criminelle du parti qui contrariait sans cesse les opérations d’Annibal, et lui firent enfin juger nécessaire la fuite hors de sa patrie. Il faut que ce grand homme ait bien compris cette situation fatale, s’il est vrai, comme on nous le dit, qu’il conseilla lui-même d’accepter la paix.

Quoi qu’il en soit, cette guerre, si funeste à l’humanité, présente d’admirables leçons sous le point de vue militaire ; et ce fut seulement depuis cette époque, qu’unissant l’art de combattre aux combinaisons de la politique, on parvint à former des plans de campagne aussi savans qu’étendus.

Pyrrhus, élevé à l’école d’Alexandre, avait commencé l’éducation des légions romaines ; elle fut achevée par Annibal, non moins versé dans la tactique des Grecs, et l’homme qui connut le mieux cette science profonde de lier les opérations d’une armée aux raffinemens de la politique et des négociations, à la connaissance des temps, des lieux et des personnes.




CHAPITRE IX.


Guerres de Macédoine. — Bataille des Cynocéphales. — Bataille de Pydna. — La phalange et la légion.


Les livres grecs commençaient à pénétrer dans Rome, et l’art de la guerre y faisait des progrès rapides. Mais il restait encore à résoudre une question importante pour la science ; il s’agissait de savoir si la manière de combattre des Grecs était supérieure à l’ordonnance romaine ; si la phalange succomberait sous la légion.

À l’époque de Pyrrhus, la tactique des Romains était loin d’avoir acquis la perfection qu’elle présenta pendant les guerres puniques ; et le génie bien différent des peuples qui formèrent les armées d’Annibal en Italie, ne lui permit pas de composer un corps unique dont les parties fussent aussi savamment liées que l’était chez les Grecs celui dont nous parlons. Ce problème intéressant ne pouvait donc être résolu qu’en plaçant la légion en pleine campagne, et la faisant manœuvrer contre une phalange complète, comme celles que nous avons vues à l’époque d’Alexandre, ou telle qu’elle existait encore sous ses successeurs.

Philippe, roi de Macédoine, avait prévu que les Romains étendraient bientôt leurs conquêtes, s’ils sortaient victorieux de la lutte qu’ils soutinrent avec tant de sagesse et de courage ; ce