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fort considérable, et porta la guerre dans les provinces les plus riches de la Numidie, où l’espoir du butin attirait ses soldats. Bocchus et Jugurtha se séparent à son approche.

Marius suivit les Numides, prit possession des villes abandonnées, et s’étendit au loin dans le pays. Afin de rivaliser de gloire avec Metellus qui avait réduit la ville de Thala après des difficultés innombrables, il réussit à s’emparer de Capsa, place entourée de déserts, où les ressources nécessaires manquaient à une armée. Marius attaqua ensuite une autre forteresse qu’on regardait comme imprenable, et où l’on avait déposé les trésors du roi.

Elle était située sur un roc inaccessible ; et Marius avait donné inutilement plusieurs assauts. Un soldat ligurien, cherchant des escargots sur le flanc de la montagne, trouva le chemin plus facile à mesure qu’il montait, et parvint jusqu’à la plate-forme de la forteresse. Elle était abandonnée, les troupes s’étant portées sur le point d’attaque.

Informé de cette découverte, Marius détacha de suite quatre centuries et six trompettes sous la conduite du Ligure ; et afin de distraire les assiégés, et d’être prêt à un assaut vigoureux au moment du signal, il s’avança vers la portion du rempart située en face de la tranchée.

Après bien des difficultés et des périls, les quatre centuries étaient arrivées au pied de la muraille, et les trompettes sonnèrent. Les assiégés qui occupaient la partie de la forteresse que menaçait Marius, furent d’abord étonnés du bruit qu’ils entendaient sur leurs derrières, et bientôt effrayés par les cris des femmes et des enfans. Sur ces entrefaites, Marius attaque les postes, les force, et se rend maître de la citadelle.

Ce fut pendant que Marius formait le siége de Thapsa, que sa cavalerie vint d’Italie, commandée par le questeur Sylla, jeune homme issu d’une famille patricienne distinguée par des services éminens. Sylla fréquentait les Grecs qui répandaient alors le goût de la littérature et des sciences dans sa patrie. Quoique l’armée le crut encore novice dans l’art de la guerre, il montra bientôt son génie, et parvint à inspirer un tel respect aux troupes, qu’il excita la jalousie de son général. On vit éclore les premiers germes de cette rivalité qui devint si fatale à la république.

Le roi de Numidie, sensible aux pertes qu’il avait faites, résolut de livrer bataille aux Romains. Il réunit de nouveau ses troupes à celles de Bocchus, et tous deux ayant voulu attaquer le consul, furent encore mis en déroute.

L’armée romaine, triomphante sur tous les points où elle rencontrait l’ennemi, marchait avec trop de sécurité, et fut sur le point de se laisser surprendre, une heure avant le coucher du soleil. Jugurtha espérait jeter de la confusion dans ses rangs à l’entrée de la nuit, et continuer l’action à la faveur des ténèbres. Les Romains, qui ne connaissaient pas le pays, se seraient alors trouvés hors d’état d’effectuer une retraite.

Les Numides harassèrent les légions sur tous les points. Afin d’engager les Romains à rompre leurs rangs, ils feignaient quelquefois de ralentir l’attaque ou de prendre la fuite. Marius ne se laissa point tromper ; il continua sa marche en bon ordre, et avant la nuit, s’empara de quelques hauteurs où son armée fût hors de danger.

Afin d’ôter à Jugurtha la connaissance de cette position, Marius défendit d’allumer des feux et de sonner les veilles de la nuit, selon l’usage. Les Numides s’étaient arrêtés dans une plaine sur le déclin du jour ; et au lever de l’aurore,