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Cette action fut sanglante, et parut terminer la guerre.

Les batailles nombreuses données sur le continent de l’Afrique, et les révolutions fréquentes dans ce pays, avaient familiarisé les Numides avec l’usage des chevaux et des armes. Mais ils étaient mal disciplinés, respectaient peu les ordres des généraux et du prince, et l’on ne pouvait guère livrer deux combats avec la même armée. Victorieux, le Numide quittait ses drapeaux pour emporter le butin ; battu, il supposait avoir terminé son service. Dans l’un et l’autre cas chacun s’enfuyait de son côté.

Metellus ne voyant plus d’ennemis après cette bataille, ne sut ce qu’était devenu le roi de Numidie. Il apprit enfin que ce prince assemblait une armée plus nombreuse que les autres ; mais lassé de poursuivre un adversaire qu’il ne pouvait saisir, Metellus se porta vers les parties du royaume les plus riches et les mieux cultivées.

Il voulait se dédommager de ses travaux par le pillage. Le roi pénétra ce dessein, marcha du même côté, et se montra bientôt sur les derrières de l’armée romaine. Tandis qu’elle essayait de forcer la ville de Zama, Jugurtha fondit à l’improviste sur le camp de Metellus. Ce prince fut repoussé, mais il prit un poste favorable, et les Romains, enfermés entre la ville et l’armée numide, furent contraints de lever le siége.

Le commandement de l’armée d’Afrique fut conservé à Metellus avec la dignité de proconsul. Il suivit Jugurtha, le battit dans plusieurs rencontres, le força de sortir de la Numidie, et de se réfugier à la cour de Bocchus, roi de Mauritanie, dont il avait épousé la fille.

Jugurtha ayant déterminé Bocchus à lever des troupes, entra en campagne avec son nouvel allié, se dirigeant vers Cirta. Metellus se plaça de manière à couvrir cette place ; et tandis qu’il employait les menaces ou la séduction pour gagner le roi de Mauritanie, il apprit que le sénat lui ôtait le commandement de l’armée.

Marius que nous avons vu en Afrique, était retourné à Rome pour y solliciter le consulat. Il promit de finir promptement la guerre de Numidie ; et comme il avait montré jusque là du courage et du talent, on pouvait croire à sa parole. Le peuple, qu’il sut gagner, le nomma consul, malgré l’opposition des nobles et des principaux sénateurs.

On n’admettait encore dans les légions que les classes les plus riches ; mais elles commençaient à se soucier peu d’aller faire au loin la guerre. Marius qui n’ignorait pas cette dégénération des mœurs républicaines, voulut en tirer avantage ; il enrôla les citoyens pauvres, malgré la loi qui les excluait du service des légions. Les dernières classes du peuple, flattées de cette faveur insigne, entrevoyant d’ailleurs une carrière qui leur offrait l’opulence et les honneurs, se rendirent en foule sous ses étendarts ; et les riches n’éprouvèrent pas moins de satisfaction de voir diminuer pour eux cette partie des charges publiques.

Cette innovation de Marius fut très remarquable ; on doit la compter parmi celles qui hâtèrent la ruine de l’état. Au lieu de former des armées de citoyens qui devaient maintenir la constitution et respecter les fortunes particulières, on leva des troupes prêtes à combattre, suivant leur intérêt, pour ou contre les lois de la patrie, et l’on vit terminer par des batailles, des divisions domestiques calmées jusque là sans répandre de sang.

Le nouveau consul, plus chéri du peuple que ne l’avaient été les Gracques, s’embarqua pour l’Afrique avec un ren-