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mers et une longue chaîne de montagnes, les peuples étaient plus rassemblés ; ils communiquaient entre eux plus facilement que s’ils avaient été répandus sur un immense territoire.

Cette remarque explique une multitude de phénomènes historiques, qui ont beaucoup embarrassé quelques modernes trop enclins à juger des mœurs antiques par les nôtres, et par l’usage où nous sommes d’entretenir toujours sous le drapeau des troupes qui forment à peine la centième partie de notre population.

Mais que pouvaient donc soixante et dix mille Gaulois assez imprudens pour lutter contre Rome, dans un moment où elle pouvait leur opposer toutes ses forces ? Ils prirent leur route par l’Étrurie, en ravageant les campagnes selon leur usage. Le prêteur, qui veillait sur cette province, les laissa passer. Il les suivit, les attaqua vers Clusium, et fut battu ; mais son armée n’essuya pas une déroute complète.

Le consul Æmilius Pappus instruit que les Gaulois avaient pris leur chemin le long des rivages de la mer de Thyrrène, quitta les bords de l’Adriatique, et survint avec son armée, peu de jours après cette bataille. Il offrit un nouveau combat. Les Gaulois, chargés de butin, le refusèrent, d’autant plus qu’ils s’étaient affaiblis des pertes faites précédemment.

Comme ils s’en retournaient, l’armée du consul et celle du préteur parvinrent à faire leur jonction et les suivirent. L’autre consul, Caïus Atilius, arrivait de Sardaigne dans ce temps-là même. Il avait débarqué à Pise, et reprenait la route de Rome, lorsqu’il rencontra l’armée gauloise près du promontoire de Télamon, et l’arrêta. Les Gaulois se trouvaient donc renfermés entre deux armées consulaires (ans 520 de Rome ; 225 av. notre ère.).

Que cet événement soit un merveilleux effet du hasard, comme Folard le prétend, d’après Polybe dont il étend beaucoup trop la pensée, c’est une remarque qui nous semble de peu d’importance, puisque toutes les mesures avaient été prises par le sénat pour envelopper ces barbares ou les arrêter. Le rappel d’Atilius et sa marche sur Rome devaient nécessairement lui permettre de lier tôt ou tard ses opérations avec celles de ses collègues, qui, malgré l’échec reçu par l’un d’eux, avaient encore trouvé moyen de se réunir. Sans doute la guerre a ses chances, comme toutes les choses de ce monde ; mais on doit reconnaître ici le fruit de bonnes dispositions.

Les Gaulois, qui ne manquaient pas de résolution, songèrent à se tirer de ce pas dangereux. Ils rangèrent leur infanterie par troupes serrées, selon leur manière de combattre[1] ; mais comme ils se trouvaient dans la triste nécessité de repousser à-la-fois deux armées, il fallut diviser leurs forces, afin de faire face aux consuls Æmilius et Atilius. La cavalerie couverte sur ses flancs par des chariots, occupa les ailes, et les Gaulois firent passer, sous bonne garde, leur riche butin ainsi que tous les bagages sur une éminence située non loin d’une des extrémités de leur ligne de bataille.

« Il n’est pas aisé de démêler, dit Polybe, si les Gaulois, attaqués de deux côtés, s’étaient formés de la manière la moins avantageuse ou la plus convenable. Il est vrai qu’ils avaient à combattre de deux côtés ; mais aussi, rangés dos à dos, ils se mettaient mutuellement à couvert de tout ce qui pouvait les prendre en queue. Et, ce qui devait le plus contribuer à la victoire, tout moyen de fuir leur était interdit ; et une fois dé-

  1. Voyez l’Atlas.