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Le roi n’avait plus qu’une journée de marche pour arriver sur les bords de l’Euphrate. Ce fleuve passé, il était en sûreté, et pouvait trouver encore des ressources dans la Haute-Asie. Avec un prince comme Mithridate, occuper la meilleure partie de ses états, c’était, on peut le dire, n’avoir rien fait ; l’expérience prouvait que pour terminer la guerre il fallait se rendre maître de sa personne.

Pompée jugea que le roi partirait dès l’entrée de la nuit afin de gagner sur les légions la marche dont il avait besoin ; car il devait franchir l’Euphrate avec son armée. Pour le prévenir le général romain profita du moment de l’après-midi, où les troupes, ayant achevé leur repas, se livraient au sommeil.

Il se met en marche sans bruit, laissant le camp tendu, avec les ordres nécessaires pour ne rien laisser voir de son absence, et va s’emparer des gorges d’un défilé que Mithridate devait nécessairement passer.

Tout arrive comme le général romain l’a prévu. Mithridate part à la chute du jour, marche une partie de la nuit, et commençait à se croire en sûreté lorsqu’il tombe dans l’embuscade. Pompée fit aussitôt fermer toutes les issues afin que le roi ne pût même retourner sur ses pas, s’il voulait sacrifier une partie de ses troupes pour le tenter.

Le général romain, craignant que l’obscurité ne fît échouer son projet, voulait d’abord différer l’attaque ; mais les officiers lui représentèrent que le moindre délai dans ces circonstances délicates devenait dangereux, et ils avaient raison.

L’histoire est pleine d’entreprises manquées, quoique très bien conduites, faute de n’avoir pas été exécutées assez vigoureusement au moment décisif. Pompée le sentit, et sur-le-champ fit sonner la charge. Les Romains poussèrent de grands cris, et commencèrent à rouler des pierres dans toute la longueur du défilé.

Là terreur qui s’était répandue dans l’armée de Mithridate avait rendu les soldats immobiles. La chute des pierres les obligea de chercher un endroit pour se mettre à couvert. Bientôt ils s’embarrassent de telle sorte que les hommes, les chevaux, les bagages, tout se trouve pêle-mêle, tout se culbute réciproquement.

La lune se lève. Sa clarté semblait devoir donner aux troupes de Pont la faculté de se défendre ; elle leur devint inutile à cause de la position des Romains et de la forme des montagnes. Les soldats ne voyaient que l’ombre, prodigieusement augmentée par la direction de la lumière ; ils tiraient vers cette ombre ; presque aucun coup ne porta.

Dix mille périrent dans cette occasion, et à peu près autant furent faits prisonniers ; les Romains ne perdirent que trente hommes, parmi lesquels deux centurions. Mithridate, dès le commencement de l’action, s’était fait jour à travers les ennemis avec huit cents cavaliers qui eurent le courage de le suivre. Il se dirigea sur la forteresse d’Inora où il avait mis en dépôt d’immenses richesses, et fut rejoint par un grand nombre de soldats avec lesquels il entra dans l’Arménie. (An 688 de Rome ; 66 av. notre ère.)

Tigranes, auquel il demandait de nouveau un asile, se montrait bien éloigné de le secourir. Par un de ces caprices qui lui étaient si ordinaires, il fit charger de fers les ambassadeurs de son beau-père, et mit à prix sa tête, l’accusant d’être l’auteur de la révolte de son fils. Mithridate, dénué de toute espérance,

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