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supposé qu’elles entrassent pêle-mêle avec les fuyards. Le roi de Pont, qui sortit à la tête d’une masse respectable d’infanterie pour protéger la retraite des siens, arrêta les vainqueurs.

Reconnaissant l’inutilité de ses tentatives pour en venir à une action générale, Pompée se mit en marche vers la Petite-Arménie. Mithridate, qui craignait que les Romains ne lui coupassent ainsi sa seule communication avec la Grande-Arménie et le royaume des Scythes, partit en diligence, et alla camper sur une colline en face de l’ennemi. Là, suivant toujours son projet de défensive, ses corps de cavalerie inondaient la plaine, et empêchaient le convoi d’arriver au camp romain.

Jusqu’à ce que Pompée, qui n’osait attaquer le roi de Pont dans son nouveau poste, eut l’idée de tendre une seconde embuscade à sa cavalerie, réussit encore, et la rendit assez timide pour ne plus gêner autant ses convois.

Le camp de Mithridate était excellent pour la situation ; mais l’eau commençant à devenir rare, ce prince l’abandonne afin d’en aller prendre un autre un peu plus loin. Cependant, par la nature des arbrisseaux dont cette colline était ombragée, ainsi que par la convexité du terrain, Pompée conjecture qu’il doit y avoir des sources ; il se porte avec son armée sur la position que quittait Mithridate, fait creuser des puits, et bientôt l’eau jaillit en abondance.

Cette résolution force Mithridate de s’éloigner encore une fois ; il vient dans la province d’Acilisène, et campe sur une colline située au bas du mont Dastarcus, du côté de l’Euphrate, quoique encore un peu éloignée du fleuve. Le roi de Pont se réservait de le passer en cas d’événement ; et de rentrer dans la Grande-Arménie.

Pompée, dont l’armée grossissait tous les jours, et qui attendait un renfort considérable, suivait Mithridate avec le dessein de le combattre s’il en trouvait l’occasion. Mais n’osant l’attaquer dans son poste, il fit tirer un retranchement de quinze cents stades, sans que Mithridate y mît la moindre opposition ; soit que ce prince jugeât que des lignes d’une si grande étendue ne pussent être également bien gardées partout, soit qu’il n’osât rien entreprendre avec une armée inférieure, et qui le laissait absolument sans ressources.

Cependant, comme la disette devenait tous les jours plus pressante, et qu’il fallait prendre un parti vigoureux pour sortir de ce mauvais pas, ou bien se rendre, Mithridate arrêta enfin sa résolution. Les historiens latins, qui s’efforcent trop souvent de ternir la gloire du roi de Pont, lui reprochent ici d’avoir fait tuer impitoyablement les malades incapables de le suivre : acte de cruauté tout à fait inutile, et qui ne facilitait en rien la marche qu’il projetait.

Quoi qu’il en soit, Mithridate leva son camp vers le milieu de la nuit, et, l’épée à la main, s’ouvrit un passage au travers des légions romaines. Pompée le suivit aussitôt ; le roi se contenta d’envoyer de la cavalerie contre la tête de ses troupes, et les dispersa.

Ainsi Pompée qui, depuis que ses lignes étaient achevées, devait prévoir la résolution que prendrait son adversaire, et former un plan pour s’opposer à sa fuite, ou du moins la lui faire acheter chèrement, en quelque endroit qu’il entreprît de percer ; Pompée ne put seulement parvenir à entamer Mithridate dans sa retraite. Il fut contraint de le suivre pas à pas, avec le regret de voir échapper une si belle occasion. Mais il répara bientôt cette faute d’une manière éclatante.