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dans les intervalles des trois sections et sur les ailes.

Cette ordonnance ne semble pas étrangère à la légion. Les troupes qui en faisaient usage étaient dites combattre en rond, in orbem pugnare ; car si quelques exemples tirés de l’histoire militaire des Romains, surtout des campagnes de César dans les Gaules, prouvent que dans certains cas ces légions prenaient une disposition circulaire, ordinairement ce terme indique une troupe enveloppée, qui se serre en masse et combat de tous côtés.

Après avoir changé leur ordonnance, les légions se mettent en marche et passent une petite rivière. Puis, entraînées par une ardeur aveugle, elles doublent le pas, et s’avancent avec beaucoup de précipitation dans la plaine où les Parthes les attendent.

Cette marche précipitée, décrite par Plutarque, ne conviendrait nullement à cet immense carré dont parlent d’après lui les écrivains. Il est évident que Crassus s’avance ici dans l’ordre accoutumé, sur trois colonnes formées par les trois grandes sections, et que Plutarque, ayant trouvé dans les auteurs latins qu’il a copiés, que la marche s’était faite agmine quadrato, a cru pouvoir rendre cette expression par le mot grec plintion (carré vide), sans considérer qu’en ajoutant l’amphistomos (double front) il confondait toutes les idées de son récit.

L’ennemi s’étant montré, Crassus débuta par ses troupes légères, et voulut faire essai de leurs forces. Toutefois, n’ayant ni l’adresse, ni des armes de la bonté de celles des Parthes, elles furent bientôt obligées de vider le front et de se replier sur le corps de bataille.

Les légions soutinrent l’attaque avec une grande intrépidité, espérant que l’ennemi aurait bientôt épuisé ses carquois, et qu’il serait contraint de se mesurer corps à corps, ou de battre en retraite. Mais les Parthes avaient sur leurs derrières une multitude de chameaux chargés de traits, et leur attaque ne se ralentit point.

Après avoir essayé les troupes légères, Crassus imagina de faire effort avec une partie de sa cavalerie, soutenue par huit cohortes. Son fils Publius est chargé de cette tentative, et semble s’en acquitter avec bonheur. Cependant les Parthes, masqués par la poussière qui s’élève de toutes parts, au lieu de fuir réellement, tournent les flancs de Publius, et lorsqu’ils le voient assez éloigné pour ne pouvoir plus être secouru par le gros de l’armée, ils l’investissent et le massacrent avec son détachement.

La nuit approchait. Les Parthes, prévoyant que leur manière de combattre les exposerait à beaucoup de désavantage au milieu des ténèbres, s’éloignent tout à coup. Ils étaient dans l’usage, au déclin du jour, de se retirer à une distance considérable pour faire paître leurs chevaux, et renouveler leurs munitions.

Instruit de cette manœuvre, Crassus profita de la nuit pour continuer sa retraite, et se croyait bien éloigné des Parthes quand il les vit paraître au lever du soleil. Chaque jour il fut harcelé de la même manière, et gagna, non sans peine, Carrhæ qu’il avait fortifiée, et où il prit quelque repos.

Enfin, les Romains ayant consommé ou perdu leurs vivres, et l’ennemi s’étant rendu maître de la campagne, les légions se soulevèrent, et l’armée se divisa en deux corps.

L’un, commandé par Cassius, suivit les plaines afin de se rendre par le chemin le plus court en Syrie ; Crassus, à la tête de l’autre division, prit la route des montagnes, espérant arriver sain et