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César avait pris le camp des Helvètes. Il ne nous dit rien de sa construction. Il devait être fermé par des chariots, ainsi que le sont encore aujourd’hui les camps des Tartares, et même quelques-unes de leurs villes. On y trouva une liste des peuples qui abandonnaient leurs habitations. Cette liste, écrite en caractères grecs, prouve que ces hordes n’en connaissaient point pour leur propre langue.

Le nombre des hommes en âge de combattre, celui des femmes, des vieillards, des enfans, y était inscrit séparément. On y comptait deux cent soixante-trois mille personnes sorties de l’Helvétie ; trente-six mille Tulinges, venant des lieux où le Danube prend sa source ; quatorze mille Latobriges ; vingt-trois mille Raurakes, qui avaient quitté les bords du Rhin ; trente-deux mille Boïes ; en tout trois cent soixante-huit mille individus.

César dit que dans cette multitude il n’y avait que quatre-vingt-douze mille combattans. Ce nombre, qui est le quart de trois cent soixante-huit mille, nous paraît très remarquable, en ce qu’il confirme ce que l’on trouve encore de nos jours. Les hommes en âge de porter les armes font partout à peu près le quart de la population d’un pays. Il y avait donc la même proportion du temps de César.

Ainsi, nous ne nous sommes point trompés, en évaluant sur ce rapport la population de tous les peuples de l’Italie et de la Gaule, quand nous avons supputé le nombre des troupes qu’ils pouvaient mettre sur pied pour les dangers éminens où tout homme prend les armes.

César dit bien que les Helvètes se trouvaient trop nombreux et respiraient trop la guerre pour demeurer dans un petit pays de soixante lieues de long sur quarante-cinq de large ; mais il ne dit pas que cette contrée fût trop peuplée, ou contînt plus d’habitans qu’elle n’en pouvait nourrir, comme le prétendent tant de commentateurs de ses Commentaires.

Les Helvètes n’avaient même appelé les peuples de la Bavière et de l’Alsace que pour avoir plus de combattans. Au reste, de tant d’aventuriers helvétiens et germains, on n’en comptait plus que cent dix mille quand ils se rendirent à César ; c’est-à-dire qu’ils avaient perdu deux cent cinquante-huit mille des leurs.

On peut juger par là combien ces émigrations étaient funestes à ceux qui les entreprenaient ; et, si l’on y joint les ravages que ces hordes exerçaient sur leur route, on verra que l’humanité n’a jamais tant souffert qu’à l’époque où les peuples étaient errans. Toutes les grandes émigrations ne se font qu’au travers des pays déserts ou mal peuplés ; elles cessent quand les nations, devenues plus nombreuses, peuvent y opposer de la résistance.

Observez que ce sont encore les Romains qui chassent de la Gaule Celtique les Helvètes, comme ils avaient purgé la Gaule Narbonnaise des Cimbres et des Teutons. Les Sequanes et les Ædues ne forment point une armée pour repousser les dévastateurs de leur pays. S’ils fournissent quelques troupes, ce sont des soldats qui servent sous les Romains. Leurs chefs ne sont point les égaux de César ; ils lui obéissent. Ce qui suit cet événement paraît plus étrange.

Les principaux de la Gaule Celtique vinrent féliciter César, et lui demandèrent la permission de faire une assemblée générale de toute la Gaule ; César y consentit. Il semblait que déjà la Gaule lui fût asservie.