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grossièreté. Ils feignirent de se rendre, jetèrent une quantité prodigieuse d’armes par dessus l’enceinte, et pendant la nuit attaquèrent le camp des Romains.

César se tenait sur ses gardes. Les Aduatikes furent repoussés, perdirent quatre mille hommes, et le lendemain les vainqueurs entrèrent dans la place. Le proconsul fit vendre cette nation à l’encan pour la punir de sa perfidie. Les prisonniers étaient au nombre de cinquante-trois mille ; ce qui fait treize mille combattans, reste des vingt-neuf mille qu’ils devaient fournir dans la confédération.

Mais comment vendit-on ces cinquante-trois mille individus ? fut-ce à des marchands qui suivaient le camp et l’approvisionnaient, ou bien aux peuples de la Gaule que ces Aduatikes avaient voulu défendre ? quel prix en donna-t-on ; combien l’avarice estimait-elle un homme ? C’est ce que César ne nous apprend point. Nous savons seulement par lui que ce peuple descendait des Cimbres et des Teutons qui, cinquante années auparavant, étaient venus jusqu’au bord de l’Italie.

Il résulte de ces récits que plusieurs hordes de Germains, de Cimbres et de Teutons, s’étaient établies depuis quelques années dans la Gaule Belgique, et qu’au lieu de la dévaster, ils en avaient augmenté la population. Elle dut être bien réduite après le massacre du peuple nervien et la vente à l’enchère des Aduatikes.

Pendant cette expédition un des lieutenans de César, le jeune P. Crassus, parcourait tous les pays situés entre la Somme, la Loire et l’Océan. Les habitans de ces contrées se soumettaient sans résistance, et l’on voit même que la terreur du nom romain se répandait jusque dans la Germanie.

Pressé d’aller en Italie, César mit ses légions en quartier d’hiver chez les Carnutes, dans le pays Chartrain ; chez les Andes qui occupaient l’Anjou, et chez les Turones, dans le canton nommé aujourd’hui la Touraine. Ces peuples n’étaient ni soumis aux Romains, ni en guerre avec eux, et ne figuraient point sur la fameuse liste de confédération. C’est pourquoi l’on disait, dans le sénat de Rome, que César devait être livré aux Gaulois, qu’il attaquait sans cause.

Ainsi, dès la seconde année de son gouvernement, le proconsul avait pénétré jusqu’à la Meuse et l’Escaut ; il était maître de la frontière orientale de la Gaule jusqu’au Rhin. Quelques hordes qui erraient au-delà de ce fleuve offraient même de lui envoyer des otages ; plusieurs cantons de la Normandie et de la Bretagne, subjugués par P. Crassus, se trouvaient encore sous sa domination.

On reconnaît certainement le génie de César dans la manière dont cette campagne fut conçue et exécutée.

Le proconsul est instruit que les Belges assemblent une nombreuse armée ; il se hâte de les prévenir. Son extrême diligence lui procure l’alliance d’un peuple qui lui révèle tous les projets de ses ennemis. Grande leçon donnée par César aux généraux chargés de porter la guerre chez des peuples qu’ils ne connaissent point.

César possédait au plus haut degré le talent de choisir le lieu propre à l’assiette d’un camp, et de saisir les positions avantageuses pour combattre. Nous savons qu’en s’établissant sur la rivière de l’Aisne, ses troupes couvraient tout le pays d’où l’armée romaine tirait ses vivres et ses renforts.

Il ne s’agissait plus d’ailleurs de faire face à une armée réunie. Comme elle se trouvait composée de peuplades qui pou-