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Après cette répartition, les tribuns de chaque légion s’étant assis séparément, tirent au sort les tribus et appellent celles dont le nom sort de l’urne : ils choisissent dans celle-là quatre jeunes gens, les plus égaux qu’il est possible, en âge et en force. Les ayant fait venir devant eux, les tribuns de la première légion en prennent un ; ceux de la seconde ont le choix à leur tour entre les trois autres ; ceux de la troisième, parmi les deux qui restent ; enfin le dernier demeure à ceux de la quatrième. Ils en font ensuite avancer quatre autres, mais cette fois les tribuns de la seconde légion choisissent d’abord, et le dernier de ces quatre reste à ceux de la première. À la troisième élection, les tribuns de la troisième légion ont l’avantage du choix. Enfin, les tribuns de la quatrième légion sont les premiers qui choisissent ; et par ce triage périodique qui recommence jusqu’à ce que le nombre des soldats soit rempli, il arrive que les quatre légions se trouvent aussi égales qu’elles peuvent l’être par rapport à la qualité des soldats.

On interdisait l’exercice du commandement aux généraux, dans l’enceinte de la ville, et cette loi était si scrupuleusement observée, qu’un général qui rentrait à Rome avec ses troupes, perdait dès l’instant même son autorité ; on exceptait seulement le jour du triomphe. C’est pour cette raison que les légions étant levées, les consuls, pour se mettre à leur tête, leur assignaient un rendez-vous hors de la cité ; tantôt aux portes de Rome, plus souvent dans une ville voisine, située sur la route du pays où l’on allait porter la guerre ; quelquefois même le rendez-vous était fort éloigné.

Les soldats partaient sans armes, ne sachant encore que le nom de la légion dans laquelle on les avait enrôlés. C’était dans le lieu marqué pour le rendez-vous qu’on assignait à chacun son rang ; c’était là qu’on lui donnait les armes du corps dont il allait faire partie ; c’était aussi dans ce lieu que les questeurs faisaient porter les enseignes dont ils étaient dépositaires et qu’ils gardaient dans le trésor public.

Le jour du départ, le général allait au temple de Mars, y remuait les boucliers sacrés ainsi que la haste de la statue, et après avoir fait des sacrifices et des vœux dans le Capitole, il partait revêtu de l’habit de général, pour se mettre à la tête des troupes. Là, il purifiait son armée par un sacrifice nommé Lustration, et enfin elle se mettait en marche.

Toutes ces cérémonies devaient prendre un temps assez considérable ; mais dans les occasions pressantes, ou dans les alarmes soudaines, la nécessité les abrégeait. Alors le consul montait au Capitole et y déployait deux drapeaux, l’un rouge, pour l’infanterie, l’autre couleur de mer, pour la cavalerie. L’an de Rome 295, le consul Minutius étant enveloppé par les Èques, le dictateur Quintius ordonne à tous ceux qui sont en âge de servir, de se rendre, avant la fin du jour, au champ de Mars, avec des armes, des viandes cuites pour cinq jours, et chacun douze pieux pour planter des palissades. Tout est prêt, et l’armée marche au commencement de la nuit.

Douze ans après, on voit encore l’exemple d’une pareille diligence. En un même, jour, le consul harangue le peuple, assemble le sénat, enrôle les légionnaires. Le lendemain, au point du jour, toute l’armée se réunit dans le Champ de Mars ; les questeurs y portent les enseignes ; elle marche vers la quatrième heure, et campe le soir à dix milles de Rome. Deux jours après,