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rons ; Quintus Cicero se crut à l’abri d’une surprise.

Ce fut pendant l’absence des cinq cohortes, et lorsque la plus profonde sécurité régnait parmi les troupes romaines, que les Sicambres se présentèrent au pied des retranchemens. Ils avaient accompli leur marche avec tant de promptitude, et s’étaient si bien couverts par l’épaisseur des forêts, qu’ils purent enlever tous les vendeurs et toutes les marchandises placées aux portes du camp. Les Sicambres auraient forcé le camp même, sans leur incapacité extrême et la grande habileté des Romains.

Mais ils se tournèrent contre les cohortes occupées au fourrage, fondirent sur elles de toutes parts, et leur tuèrent beaucoup de monde. Quelques braves parvinrent à culbuter l’ennemi et regagnèrent le camp. La cavalerie romaine arriva la nuit qui suivit cette attaque, et, le lendemain, César parut en personne avec toutes ses légions. Les Sicambres repassèrent le fleuve ; ils avaient vengé les Éburons, et apprenaient à César qu’il est toujours dangereux d’éveiller la cupidité de l’homme.

Jamais on ne put prendre Ambiorix ; ses malheureux concitoyens furent seuls les victimes des Romains et de la barbarie des autres Gaulois. Cativulke, l’autre chef des Éburons, étant trop vieux pour s’enfuir, s’empoisonna avec de l’if, dont ces peuples savaient extraire un suc mortel.

César, ayant ainsi triomphé des Sénons, des Carnutes, des Trévires et des Éburons, tint une assemblée générale de la Gaule, à Durocortorum, sur le territoire des Rèmes. Il fit reprendre le procès des Sénons et des Carnutes, et condamna lui-même à mort Acco, l’instigateur des troubles. Plusieurs Gaulois s’enfuirent épouvantés ; César leur interdit le feu et l’eau, c’est-à-dire tout asile et tout moyen de subsister.

Il avoue avec une sorte d’ingénuité que l’on ne doit pas être surpris du soulèvement des Gaulois ; qu’il paraissait affreux pour des peuples qui avaient surpassé les autres en valeur, de perdre ainsi leur réputation guerrière, et de plier honteusement sous le joug des Romains.

Par cette réflexion César semble se condamner lui-même, et blâmer comme homme la sévérité qu’il exerçait comme conquérant. Mais l’enthousiasme pour la gloire de la patrie empêchait les Romains d’avoir de l’humanité.

Napoléon ne fait aucune remarque militaire sur cette sixième campagne ; et il est vrai que César s’y montre tellement avare de détails, que l’on peut craindre de ne pas le suivre avec toute l’exactitude qu’exigent de semblables investigations.

Il semble cependant que, si César se fût informé de la nature du pays situé au delà du Rhin, et surtout du caractère des peuples qui l’habitaient, caractère bien différent de celui des Gaulois, il semble, dis-je, qu’il n’aurait pas tenté cette seconde expédition dans la Germanie ; car elle lui fit perdre beaucoup de temps et n’aboutit à rien. S’il se trompa dans ses conjectures, il eut au moins la sagesse de le reconnaître, et de repasser en Gaule, où il employa plus utilement ses légions.

Toutes les opérations de cette campagne paraissent à la vérité n’avoir eu d’autre but que de se saisir de la personne d’Ambiorix ; mais nous n’en devons pas moins admirer l’habileté avec laquelle César conduisit la guerre. Il n’avait pas attendu le retour du printemps pour agir, et comprit très-