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Après s’être bien retranché dans son camp, il s’occupa des subsistances de son armée ; mais le plat pays était épuisé, et les villes voisines, accoutumées encore au nom et aux ordres de Pompée, n’osant se déclarer pour son rival, Fabius fut contraint de se procurer des vivres à la pointe de l’épée.

Au moyen de deux ponts qu’il jeta sur la Sègre, l’un près de son camp et l’autre à quatre mille pas en arrière, il s’ouvrit la communication avec la partie de la Catalogne qui est entre la Sègre et la mer, pays riche et fertile. Cependant, comme le pont de pierre d’Ilerda donnait de grandes facilités à l’armée d’Espagne d’inquiéter les excursions de Fabius, il dut faire escorter chaque détachement de fourrageurs par des troupes nombreuses. Deux légions entières, sous les ordres de Plancus, se mirent en marche pour ce service, et un corps de cavalerie les suivit.

Lorsque l’infanterie fut de l’autre côté du fleuve et que la cavalerie vint se présenter à l’entrée du passage, le pont se rompit par la violence du courant. La charpente et les débris qui flottaient jusqu’à la ville, donnèrent connaissance du sinistre, et les généraux de Pompée prirent aussitôt la résolution de couper la retraite aux troupes compromises.

Afranius s’avance en toute hâte avec quatre légions. Il aurait pris et massacré le détachement de Plancus, si cet officier ne s’était hâté de gagner une hauteur sur laquelle il prit un bon poste. Fabius fit passer aussitôt par l’autre pont deux légions pour soutenir les premières. À la vue de ce renfort, Afranius n’osa hasarder une action qui pouvait l’exposer à un combat décisif.

Deux jours après cet événement, César, escorté de neuf cents chevaux, arriva au camp de Fabius. Il reconnut la position des deux armées, fit relever le pont détruit, et aussitôt, suivant sa coutume, commença cette série d’opérations offensives qui se succédaient si rapidement, qu’elles fixaient toute l’attention de l’ennemi, et ne lui laissaient aucun loisir pour combiner un plan d’attaque. Réduisant ainsi son adversaire à s’occuper uniquement de sa défense, César inspirait à ses soldats une haute opinion de leur supériorité, opinion qui, long-temps établie, manque rarement son effet à la guerre.

César résolut de décamper de suite. L’armée se mit en marche de grand matin. Tous les bagages restaient en arriére, et six cohortes furent commandées pour la garde du vieux camp et des ponts. Les troupes, en entrant dans la plaine de Lérida, marchèrent sur trois colonnes et se dirigèrent vers le camp d’Afranius.

Peu de temps avant de s’en approcher, les trois colonnes formèrent trois lignes ; César s’avança ainsi jusqu’à la distance de trois cents pas (géométriques) du pied de la hauteur sur laquelle Afranius avait assis son camp. Il fit halte, et offrit à l’ennemi la bataille ; mais Afranius se garda bien de l’accepter.

Pour servir efficacement son parti, il devait donner le temps à Pompée de se recueillir et de venir au secours de l’Espagne. Son armée ne manquait de rien, elle se trouvait établie dans un poste inattaquable, et conservait ses communications avec les villes alliées des deux bords de la Sègre. Les troupes de César, au contraire, étaient obligées de vivre au jour la journée, et de