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de forcer ses adversaires à lui céder l’Espagne, sans en venir à une bataille ; et le devoir d’un général, dit-il, est de vaincre l’ennemi autant par son habileté que par ses armes. D’ailleurs, César était touché du malheur de ses concitoyens, et peut-être aussi en redoutait-il le dernier effort du désespoir.

Ayant donc pris son parti, malgré toutes les représentations, il se contenta d’établir des postes dans les montagnes sur sa droite, et campa, selon sa coutume, aussi près de l’ennemi qu’il était possible. L’armée d’Afranius se trouvait ainsi enfermée entre la Sègre, qu’elle ne pouvait passer faute de bateaux et de bois pour faire un pont, et entre les coteaux, au delà desquels se trouvait la grande plaine que la cavalerie de César rendait inaccessible.

Afranius et Petreius durent renoncer à l’idée de porter la guerre dans la Celtibérie ; ils ne pouvaient non plus se maintenir sur les lieux qu’ils occupaient ; on résolut donc de retourner vers Ilerda, où l’on avait laissé des vivres. Toute la conduite de César tendait à disposer en sa faveur les soldats de Pompée, afin de les préparer insensiblement à écouter des propositions. La plupart de ses officiers, instruits de ses vues, concoururent à le seconder, et crurent trouver une occasion favorable dans l’absence des deux chefs, Afranius et Petreius, qui s’occupaient d’un retranchement tiré de leur camp jusqu’au fleuve.

Tout allait se terminer au gré de César, lorsque Petreius, instruit de ce qui se passait, quitte ses travaux, revient au camp, arme ses domestiques, y joint une cohorte espagnole avec quelque cavalerie barbare, interrompt les entretiens, et passe au fil de l’épée tous les soldats du parti opposé qui se laissent surprendre. César, dont la politique était bien plus adroite, fit faire une perquisition exacte des soldats de ce général qui étaient venus dans son camp, et les lui renvoya sains et saufs.

Si Petreius, par sa fermeté, eut l’art de rappeler les siens à leur devoir, il ne pouvait changer la triste position des affaires. On voit même qu’en se décidant à soutenir la défensive dans un pays dont les habitans ne leur étaient plus dévoués, et contre un ennemi qui, par sa grande supériorité en cavalerie, gênait tous leurs mouvemens, les généraux de Pompée se défiaient des troupes, et n’osaient les éprouver dans une bataille.

Résolus de retourner à Ilerda, ils auraient pu prendre la route par laquelle ils étaient venus, c’est-à-dire le chemin qui se dessine entre les hauteurs et la rivière ; mais, se rappelant le mal que la cavalerie leur avait fait en plaine, ils se déterminèrent à marcher par les montagnes qu’interrompent parfois des vallons et des fragmens de plaine, jusqu’à la hauteur placée vis-à-vis de celle où est la ville de Lérida.

Ils se flattèrent de mettre ainsi leur marche à l’abri des insultes de la cavalerie et de conserver la supériorité du terrain sur l’infanterie. La crainte que César les devançât de nouveau, ne dut plus les inquiéter, puisqu’en leur coupant le chemin d’Ilerda, il leur ouvrait nécessairement celui d’Octogèse.

On forma l’arrière-garde d’un certain nombre de cohortes choisies, et l’armée commença son mouvement au