Page:Liskenne, Sauvan - Bibliothèque historique et militaire, Tome 2, 1836.djvu/310

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
— 302 —

frondeurs et leurs archers, abandonnés, furent tous passés au fil de l’épée.

La cavalerie de César, postée à la droite des cohortes, où elle s’était repliée, chargeait en même temps que ces corps ; elle se mit à la poursuite de la cavalerie battue, qui se sauva jusqu’aux montagnes. Les six cohortes tournèrent en même temps sur le flanc gauche de l’infanterie de Pompée, et César fit avancer sa troisième ligne, qui jusque-là était restée sur son terrain. L’ennemi, attaqué par des troupes fraîches, pris en flanc et à dos, ne put résister plus long-temps et se débanda de toutes parts.

On ne reconnaît plus ici le grand Pompée ; la tête lui tourne, et son génie l’abandonne. Pendant que son infanterie est encore entière, il quitte le champ de bataille, se dirige vers ses retranchemens, passe par la porte prétorienne, et dit aux gardes de tenir leurs armes prêtes, et de s’attendre à tout ce qu’il y a de plus funeste : « Je fais la ronde, ajoute-t-il, et visite les postes. » Il se retire dans sa tente, s’assied sans dire un seul mot, jusqu’à ce qu’on lui annonce que les ennemis escaladent ses défenses. Alors, comme s’il fût revenu d’un engourdissement profond, il s’écrie : « Quoi ! jusque dans mon camp ! » Il quitte les marques de sa dignité, et s’enfuit à toute bride. Son armée perdit quinze mille hommes, outre vingt-quatre mille prisonniers, huit aigles et cent quatre-vingts enseignes. César n’eut à regretter qu’environ deux cents soldats, et trente centurions.

Pompée, enivré de sa puissance et des flatteries de ses courtisans, se regardait déjà comme maître de Rome. Au lieu de voir dans César un ennemi rusé et dangereux, il le traite en général médiocre ; il se confie trop dans la supériorité de ses forces, et, séduit par une confiance aveugle, néglige les précautions les plus communes.

On reproche à Pompée, comme faute, de n’avoir pas mené son aile droite à la charge assez promptement, ce qui lui fit perdre un temps précieux ; mais il paraît assez qu’il était entièrement occupé de ce que ferait sa cavalerie, avec laquelle il espérait, sans aucun autre secours, défaire son ennemi. Il s’en était vanté quelques jours avant dans le conseil, où il avait dit qu’au moyen de cette supériorité, il envelopperait la droite de César, et le mettrait en déroute avant qu’on eût tiré l’épée.

Il est évident que c’était son objet capital, et que la grande confiance qu’il y avait mise lui fit négliger tout autre moyen de vaincre. Pompée devait penser néanmoins que César, ayant tout à craindre pour sa droite, prendrait des mesures vigoureuse, capables de paralyser l’effort de l’ennemi sur ce côté ; il eût donc agi prudemment s’il se fût ménagé une autre ressource. Mille chevaux d’élite en réserve, et huit ou dix cohortes prêtes à garantir son flanc découvert après la fuite de sa cavalerie, arrêtaient tout court les six cohortes de César, et son infanterie ne se serait point débandée.

Elle ne commença réellement à plier que lorsqu’elle se vit prise en flanc et à dos. On ne comprend rien à l’inaction de sa droite, où Pompée semblait avoir quelque dessein en y plaçant la légion de Cilicie et les cohortes espagnoles commandées par Afranius, qui composaient sa meilleure infanterie. Avec les six cents chevaux qui flanquaient cette droite, il pouvait tenter la fortune, et tout n’était pas désespéré.

Plutarque prétend que les six cohortes avaient ordre de porter la pointe