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le nombre des triaires resta le même.

En prenant pour base la légion de quatre mille deux cents hommes, chaque manipule des deux premières lignes présentait cent vingt hommes (douze de front et dix de hauteur), tandis que le manipule des triaires n’était que de soixante. Comme cette troisième ligne avait la même profondeur que les deux autres, ses manipules ne donnaient que six files, et l’intervalle qu’ils gardaient entre eux était considérable. C’était là que se plaçaient les vélites avant d’escarmoucher, et c’était là aussi qu’ils rentraient lorsque les hastaires commençaient la charge.

Les armes de l’infanterie romaine étaient le javelot, le pilum, la pique et l’épée.

Le javelot servait aux vélites. Il avait deux coudées (trente deux pouces sept lignes) de hampe, et un doigt de diamètre ; le fer portait une spithame (sept pouces six lignes) de long. Il était extrêmement aigu et mince, afin qu’il se faussât en frappant le but ou en tombant, et que l’ennemi ne pût le renvoyer. Un jour de bataille, le vélite avait sept javelots qu’il dardait avec beaucoup d’adresse ; et, lorsqu’il devait se servir de son épée, il passait ses javelots à la main gauche qui restait libre, le bras soutenant seul le bouclier.

Les hastaires et les princes portaient le pilum. C’était un fort javelot dont la hampe avait trois coudées (quatre pieds un pouce) de longueur, et un palme (deux pouces huit lignes) de diamètre ou de côté, quand elle était carrée. Le fer, de même longueur que le bois, se divisait en deux parties égales ; l’inférieure, composée de deux lames d’un doigt et demi d’épaisseur, couvrait la hampe jusqu’au milieu, s’y enchâssait et s’y fixait par des pointes de fer ; la partie supérieure qui était carrée, et d’un pouce et demi (seize lignes) de côté, se terminait en une pointe aigüe, bien trempée et garnie d’un hameçon. Outre cet énorme stylet, les hastaires et les princes en tenaient quelquefois un autre dans la main gauche, plus facile à manier. Sa hampe n’avait que trois coudées (quatre pieds un pouce), et son fer triangulaire portait cinq pouces (quatre pouces six lignes).

On laissait les vélites fatiguer l’ennemi par leurs javelots ; l’action devenait générale, lorsque les deux armées étaient assez proches pour que l’on pût faire usage du pilum. Ces lourdes machines, vu leur pesanteur et la trempe du fer, perçaient et cuirasses et boucliers. Désarmés du pilum, les Romains tiraient l’épée et se jettaient sur l’ennemi avec une impétuosité d’autant plus heureuse, que souvent le pilum avait renversé les premiers rangs, ou les mettaient à nu, au moyen du hameçon qui s’accrochait dans le bouclier et l’entraînait.

Les triaires, portant la pique, plus longue et moins grosse que l’autre arme (dix à onze pieds de long), attendaient souvent de pied ferme le choc de l’infanterie comme celui de la cavalerie. Ils n’abandonnaient la pique que pour se servir de l’épée, dans laquelle le soldat légionnaire mettait surtout sa confiance.

C’était l’épée qui gagnait les batailles ; et l’on vit souvent des lignes entières jeter le pilum avec précipitation et presque au hasard, pour aborder l’ennemi plutôt. Les Romains avaient emprunté cette épée des Espagnols, et la portaient à droite pour ne pas embarrasser le maniement du bouclier. On pouvait la tirer aisément, parce qu’elle était courte, pendue à un baudrier que l’on passait de l’épaule gauche à la hanche droite, en sorte que le pommeau touchait au