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tirer parti de cette ordonnance, il est nécessaire de lui trouver un terrain plat, découvert, sans fossés, sans gorges, sans éminences ; et l’on ne disconvient pas qu’il est impossible ou du moins très rare d’en rencontrer un de vingt stades qui n’offre quelqu’un de ces obstacles. Si l’ennemi, au lieu de venir vous chercher sur ce terrain, se répand dans le pays, ravage les villes et fait du dégât, ce corps restant au poste qui lui est avantageux, sera le jouet de ses ennemis, et s’il en sort, il ne peut éviter d’être défait. »

Voilà le précis des défauts que Polybe trouvait à la phalange ; défauts incontestables, dont les Romains profitèrent et qu’ils surent éviter.

Après avoir enrôlé le nombre de soldats qui devait composer les légions, on exigeait d’eux le serment militaire. Il était simple ; les soldats juraient d’obéir à leurs chefs, et d’employer toutes leurs forces à exécuter les ordres qu’ils en recevraient. Un seul soldat prononçait la formule, et les autres passaient à la file se contentant de dire : idem in me ; « je le jure. »

Le serment étant reçu, les tribuns marquaient à chaque légion le lieu du rendez-vous. Les soldats y arrivaient sans armes, et on les classait en quatre corps nommés triaires, princes, hastaires, légèrement armés. Ensuite, on partageait chacun de ces corps en dix parties, à l’exception des armés à la légère, dont on formait bien une division séparée, mais qu’on ne classait pas parmi les soldats de rang. Ces dix parties de chacun des trois corps, s’appelaient manipules ; la moitié du manipule était la centurie ; et trois manipules ensemble, un de chaque espèce, faisaient la cohorte. Une légion avait donc dix cohortes, trente manipules et soixante centuries.

Dans cette distribution des différens corps qui composaient l’infanterie de la légion, celui des triaires était réservé pour les citoyens qui avaient le plus d’expérience à la guerre ; on plaçait parmi les princes les hommes les plus vigoureux ; les hastaires formaient la troisième classe ; enfin, les plus jeunes et les plus pauvres prenaient l’armure légère. C’est cette dernière classe que l’on retrouve, suivant les temps, sous les noms d’accenses, roraires, et enfin sous la dénomination de vélites.

La légion ayant adopté l’ordre en quinconce ou échiquier par manipules, se forma sur trois lignes. La première fut composée des dix manipules de hastaires, qui gardaient entre eux des distances égales à leur front ; les princes, partagés en autant de manipules que les hastaires, se plaçaient ensuite vis-à-vis leurs intervalles ; enfin, les dix manipules de triaires occupaient la troisième ligne.

Au commencement, les hastaires étaient armés à la légère, et faisaient le service qu’on exigea postérieurement des vélites ; mais les deux autres lignes ayant été trouvées trop faibles, on arma plus fortement les hastaires, on les fixa à la première ligne permanente, et les princes, autrefois les premiers, comme l’exprime leur nom, conservèrent leur dignité sans garder la même place.

On voit varier le nombre des soldats d’une légion, suivant les besoins de la guerre ; mais il est remarquable que le corps des triaires demeure toujours fixé à six cents. Il était ainsi distribué dans la légion de quatre mille deux cents hommes, alors que les hastaires, les princes et les vélites en fournissaient chacun douze cents ; et quand la légion fut portée à cinq et six mille hommes, les hastaires, les princes, et les vélites augmentèrent en proportion, mais