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PRÉFACE DE L’AUTEUR.

temps, à la cent quarantième olympiade. Par rapport aux faits, nous la commencerons chez les Grecs, par la guerre que Philippe, fils de Démétrius et père de Persée, fit avec les Achéens aux peuples de l’Étolie, et que l’on appelle la guerre Sociale ; chez les Asiatiques, par celle qu’Antiochus et Ptolomée Philopator se déclarèrent pour la Cœlosyrie ; dans l’Italie et l’Afrique, par celle des Romains contre les Carthaginois, et que d’ordinaire on appelle la guerre d’Annibal. Tous ces événemens forment la continuation de l’histoire d’Aratus le Sicyonien. Avant cela les choses qui se passaient dans le monde n’avaient entre elles nulle liaison ; chacun avait, pour entreprendre et pour exécuter, ses raisons qui lui étaient particulières ; chaque action était propre au lieu où elle s’était passée. Mais depuis, tous les faits se sont réunis comme en un seul corps : les affaires de l’Italie et de l’Afrique n’ont formé qu’un tout avec celles de l’Asie et de la Grèce ; toutes se sont rapportées à une seule fin. C’est pour cela que nous avons fixé à ces temps-là le commencement de cette histoire ; car ce ne fut qu’après avoir soumis les Carthaginois par la guerre dont nous parlions tout à l’heure, que les Romains croyant s’être ouvert un chemin à la conquête de l’univers, osèrent porter leurs vues plus loin, et faire passer leurs armées dans la Grèce et dans le reste de l’Asie.

Si les états, qui se disputaient entre eux l’empire souverain, nous étaient bien connus, peut-être ne serait-il pas nécessaire de commencer par montrer quel était leur projet, et quels forces ils avaient lorsqu’ils s’engagèrent dans une si grande entreprise. Mais parce que la plupart des Grecs ne savent quelle était la forme du gouvernement des Romains et des Carthaginois, ni ce qui s’est passé parmi ces peuples, nous avons cru qu’il était à propos de faire précéder notre histoire par deux livres sur ce sujet, afin qu’il n’y ait personne qui, en la lisant, soit en peine de savoir par quelle politique, quelle force et quels secours, les Romains ont formé des projets qui les ont rendus maîtres de la terre et de la mer. Après la lecture de ce que nous dirons comme exposition dans ces deux livres, on verra que ce n’est pas sans raison qu’ils ont conçu le dessein de rendre leur empire universel, et que, pour exécuter ce projet, ils ne pouvaient prendre de mesures plus justes. Car ce qui distingue mon ouvrage de tout autre, c’est le rapport qu’il aura avec cet événement qui fait l’admiration de nos jours. Comme la fortune a fait pencher presque toutes les affaires du monde d’un seul côté, et semble ne s’être proposée qu’un seul but, ainsi je ramasserai pour les lecteurs, sous un seul point de vue, les moyens dont elle s’est servie pour l’exécution de ce dessein.

C’est là le principal motif qui m’a porté à écrire. Un autre a été, que je ne voyais personne de nos jours qui eût entrepris une histoire générale ; cela m’aurait épargné bien des soins et bien de la peine. Il y a des auteurs qui ont décrit quelques guerres particulières ; on en voit qui ont ramassé quelques événemens arrivés en même temps, mais il n’y a personne, au moins que je sache, qui, assemblant tous les faits et les rangeant par ordre, se soit donné la peine de nous en faire voir le commencement, les motifs, la fin. Il m’a paru qu’il ne fallait pas laisser dans l’oubli le plus beau et le plus utile ouvrage de la fortune. Quoique tous les jours elle invente quelque chose de nouveau, et qu’elle ne cesse d’exercer son pouvoir sur la vie des hommes,