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POLYBE, LIV. I.

légions, chez les Romains, se lèvent tous les ans, et sont composées de quatre mille hommes d’infanterie et de trois cents chevaux. À l’arrivée des consuls, plusieurs villes des Carthaginois et des Syracusains se rendirent à discrétion. La frayeur des Siciliens, jointe au nombre et à la force des légions romaines, faisant concevoir à Hiéron que celles-ci auraient le dessus, il dépêcha aux consuls des ambassadeurs pour traiter de paix et d’alliance. On n’eut garde de refuser leurs offres : on craignait que les Carthaginois, qui tenaient la mer, ne fermassent tous les passages pour les vivres ; crainte d’autant mieux fondée, que les premières troupes qui avaient traversé le détroit avaient beaucoup souffert de la disette. Une alliance avec Hiéron mettait de ce côté-là les légions en sûreté : on y donna d’abord les mains. Les conditions furent que le roi rendrait aux Romains sans rançon ce qu’il avait fait de prisonniers sur eux, et qu’il leur paierait cent talens d’argent. Depuis ce temps, Hiéron, tranquille à l’ombre de la puissance des Romains, à qui dans l’occasion il envoyait des secours, régna paisiblement à Syracuse, gouvernant en roi qui ne cherche et n’ambitionne que l’amour et l’estime de ses sujets. Jamais prince ne s’est rendu plus recommandable, et n’a joui plus long-temps des fruits de sa richesse et de sa prudence.

On apprit à Rome avec beaucoup de joie l’alliance qui s’était faite avec le roi de Syracuse, et le peuple se fit un plaisir de la ratifier. On ne crut pas après cela qu’il fût nécessaire d’envoyer des troupes en Sicile ; deux légions suffisaient, parce que, Hiéron s’étant rangé du parti de Rome, le poids de cette guerre n’était plus à beaucoup près si pesant, et que par là les armées auraient en abondance toutes sortes de munitions. Les Carthaginois, voyant que Hiéron leur avait tourné le dos, et que les Romains avaient plus à cœur que jamais d’envahir la Sicile, pensèrent de leur côté à se mettre en état de leur tenir tête et de se maintenir dans cette île. Ils firent de grandes levées de soldats au-delà de la mer, dans la Ligurie, dans les Gaules, de plus grandes encore dans l’Espagne, et ils les envoyèrent toutes en Sicile ; et comme Agrigente était la ville la plus forte et la plus importante de toutes celles qui leur appartenaient, ils y jetèrent tous leurs vivres et toutes leurs troupes, et en firent leur place de guerre.

Les consuls, qui avaient fait la paix avec Hiéron étant de retour à Rome, on leur donna pour successeurs dans cette guerre L. Posthumius et Q. Mamilius, qui, ayant conçu d’abord où tendaient les préparatifs que les Carthaginois avaient faits à Agrigente, pour commencer la campagne par un exploit considérable, laissèrent là tout le reste, allèrent avec toute leur armée attaquer cette ville, campèrent à huit stades de la place, et renfermèrent les Carthaginois dans ses murs. C’était alors le temps de la moisson. Un jour que les soldats, qui prévoyaient que le siége ne se terminerait pas sitôt, s’étaient débandés dans la campagne pour ramasser des grains, les Carthaginois les voyant ainsi dispersés, fondirent sur ces fourrageurs et les mirent aisément en fuite. Ensuite ils se partagèrent, les uns marchant pour forcer les retranchemens, ou pour arracher les palissades ; les autres pour attaquer les corps de garde. Ici, comme en plusieurs autres rencontres, les Romains ne durent leur salut qu’à cette discipline excellente, qui ne se trouve chez aucun autre peuple. Accoutumés à voir punir de mort quiconque lâche

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