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Page:Liskenne, Sauvan - Bibliothèque historique et militaire, Tome 2, 1836.djvu/383

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POLYBE, LIV. I.

et impétueux soufflant contre le pied des ouvrages, ébranla les galeries, et renversa les tours qui étaient devant pour les défendre. Cette conjoncture ayant paru à quelques soldats grecs fort avantageuse pour ruiner tout l’attirail des assiégeans, ils découvrirent leur pensée au commandant, qui la trouva excellente. Il fit aussitôt disposer tout ce qui était nécessaire à l’exécution. Ces jeunes soldats courent ensemble, et mettent le feu en trois endroits. Le feu se communiqua avec d’autant plus de rapidité, que ces ouvrages étaient dressés depuis long-temps, et que le vent soufflant avec violence, et poussant d’une place à l’autre les tours et les machines, portait l’incendie de tous côtés avec une vitesse extrême. D’ailleurs, les Romains ne savaient quel parti prendre pour remédier à ce désordre. Ils étaient si effrayés, qu’ils ne pouvaient ni voir ni comprendre ce qui se passait. La suie, les étincelles ardentes, l’épaisse fumée que le vent leur poussait dans les yeux, les aveuglaient. Il en périt un grand nombre, avant qu’ils pussent même approcher des endroits qu’il fallait secourir. Plus l’embarras des Romains était grand, plus les assiégés avaient d’avantages. Pendant que le vent soufflait sur ceux-là tout ce qui pouvait leur nuire, ceux-ci, qui voyaient clair, ne jetaient ni sur les Romains ni sur les machines rien qui portât à faux ; au contraire, le feu faisait d’autant plus de ravages, que le vent lui donnait plus de force et d’activité. Enfin la chose alla si loin, que les fondemens des tours furent réduits en cendres, et les têtes des béliers fondues. Après cela, il fallut renoncer aux ouvrages, et se contenter d’entourer la ville d’un fossé et d’un retranchement, et de fermer le camp d’une muraille, en attendant que le temps fît naître quelque occasion de faire plus. Dans Lilybée, on releva des murailles ce qui en avait été détruit, et l’on ne s’inquiéta plus du siége.

Quand on eut appris à Rome que la plus grande partie de l’armement avait péri, ou dans la défense des ouvrages, ou dans les autres opérations du siége, ce fut à qui prendrait les armes. On y leva une armée de dix mille hommes, et on l’envoya en Sicile. Le détroit traversé, elle gagna le camp à pied. Et alors le consul Publius Claudius ayant convoqué les tribuns : « Il est temps, leur dit-il, d’aller avec toute la flotte à Drépane. Adherbal, qui y commande les Carthaginois, n’est pas prêt à nous recevoir. Il ne sait pas qu’il nous est venu du secours, et après la perte que nous venons de faire, il est persuadé que nous ne pouvons mettre une flotte en mer. » Chacun approuvant ce dessein, il fit embarquer, avec ce qu’il avait déjà de rameurs, ceux qui venaient de lui arriver. En fait de soldats, il ne prit que les plus braves qui, à cause du peu de longueur du trajet et que d’ailleurs le butin paraissait immanquable, s’étaient offerts d’eux-mêmes. Il met à la voile au milieu de la nuit sans être aperçu des assiégés. D’abord la flotte marcha ramassée et toute ensemble, ayant la terre à droite. À la pointe du jour, l’avant-garde étant déjà à la vue de Drépane, Adherbal, qui ne s’attendait à rien moins, fut d’abord étonné ; mais y faisant plus d’attention, et voyant que c’était la flotte ennemie, il résolut de n’épargner ni soins ni peines pour empêcher que les Romains ne l’assiégeassent ainsi haut la main. Il assembla aussitôt son armement sur le rivage, et un héraut, par son ordre, y ayant appelé tout ce qu’il y avait de soldats étrangers dans la ville, il leur fit voir en