Page:Liskenne, Sauvan - Bibliothèque historique et militaire, Tome 2, 1836.djvu/406

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
398
POLYBE, LIV. I.

garnisons, comme devant risquer le tout pour le tout. Quand on se fut disposé, on convint du jour et de l’heure, et on en vint aux mains. La victoire se tourna du côté des Carthaginois. Il resta sur le champ de bataille grand nombre d’Africains ; une partie se sauva dans je ne sais quelle ville, qui se rendit peu de temps après ; Mathos fut fait prisonnier ; les autres parties de l’Afrique se soumirent aussitôt. Il n’y eut qu’Hippone-Zaryte et Utique qui, s’étant, dès le commencement de la guerre, rendues indignes de pardon, refusèrent alors de se soumettre : tant il est avantageux, même dans de pareilles fautes, de ne point dépasser certaines bornes, et de ne se pas porter à des excès impardonnables ! Mais Hannon ne se fut pas plus tôt présenté devant l’une, et Amilcar devant l’autre, qu’elles furent contraintes d’en passer par tout ce qu’ils voulurent. Ainsi finit cette guerre, qui avait fait tant de mal aux Carthaginois, et dont ils se tirèrent si glorieusement, que non-seulement ils se remirent en possession de l’Afrique, mais châtièrent encore, comme ils méritaient d’être châtiés, les auteurs de la révolte ; car cette guerre ne se termina que par les honteux supplices que la jeunesse de la ville fit souffrir à Mathos et à ses troupes le jour du triomphe.

Telle fut la guerre des étrangers contre les Carthaginois, laquelle dura trois ans et quatre mois ou environ. Il n’y en a point, au moins que je sache, où l’on ait porté plus loin la barbarie et l’impiété. Comme, vers ce temps-là, les étrangers de Sardaigne étaient venus d’eux-mêmes offrir cette île aux Romains, ceux-ci conçurent le dessein d’y passer. Les Carthaginois le trouvant fort mauvais, parce que la Sardaigne leur appartenait à plus juste titre, et se disposant à punir ceux qui avaient livré cette île à une autre puissance, c’en fut assez pour déterminer les Romains à déclarer la guerre aux Carthaginois, en prétextant que ce n’était pas contre les peuples de Sardaigne que ceux-ci faisaient des préparatifs, mais contre eux. Les Carthaginois qui étaient sortis comme par miracle de la dernière guerre, et qui n’étaient point du tout en état de se mettre mal avec les Romains, cédèrent au temps, et aimèrent mieux leur abandonner la Sardaigne, et ajouter douze cents talens à la somme qu’ils leur payaient, que de s’engager à soutenir une guerre dans les circonstances où ils étaient. Cette affaire n’eut pas d’autre suite.