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POLYBE, LIV. II.

treprirent d’assiéger cette ville. L’épouvante fut grande parmi les citoyens, qui, ne se croyant pas en état de résister et de se soutenir par eux-mêmes, envoyèrent implorer l’assistance des Achéens et des Étoliens. Il s’y trouva en même temps des ambassadeurs de la part des Apolloniates et des Épidamniens, qui priaient instamment qu’on les secourût, et qu’on ne souffrît point qu’ils fussent chassés de leur pays par les Illyriens. Ces demandes furent favorablement écoutées : les Achéens avaient sept vaisseaux de guerre ; on les équipa de tout point, et l’on se mit en mer. On comptait bien faire lever le siége de Corcyre ; mais les Illyriens ayant reçu des Acarniens sept vaisseaux, en vertu de l’alliance qu’ils avaient faite avec eux, vinrent au-devant des Achéens et leur livrèrent bataille auprès de Paxos. Les Acarnaniens avaient en tête les Achéens, et de ce côté-là le combat fut égal ; on se retira de part et d’autre sans s’être fait d’autre mal que quelques blessures. Pour les Illyriens, ayant lié leurs vaisseaux quatre à quatre, ils approchèrent des ennemis. D’abord il ne semblait pas qu’ils se souciassent fort de se défendre. Ils prêtaient même le flanc, comme pour aider aux ennemis à les battre. Mais quand on se fut joint, l’embarras des ennemis ne fut pas médiocre, accrochés qu’ils étaient par ces vaisseaux liés ensemble et suspendus aux éperons des leurs. Alors les Illyriens sautent dessus les ponts des Achéens, et les accablent de leur grand nombre. Ils prirent quatre galères à quatre rangs, et en coulèrent à fond une de cinq rangs avec tout l’équipage. Sur celle-ci était un Cérynien nommé Marcus, qui, jusqu’à cette fatale journée, s’était acquitté envers la république de tous les devoirs d’un excellent citoyen. Ceux qui avaient eu affaire aux Acarnaniens, voyant que les Illyriens avaient le dessus, cherchèrent leur salut dans la légèreté de leurs vaisseaux, et poussés par un vent frais, arrivèrent chez eux sans courir de risque. Cette victoire enfla beaucoup le courage des Illyriens ; mais autant elle leur donna de facilité à continuer le siége de Corcyre, autant elle ôta aux assiégés toute espérance de le soutenir avec succès. Ils tinrent ferme quelques jours, mais enfin ils s’accommodèrent et reçurent garnison, et avec cette garnison Démétrius de Pharès. Après quoi les Illyriens retournèrent à Épidamne, et en reprirent le siége.

C’était alors à Rome le temps d’élire les consuls. Caïus Fulvius, ayant été choisi, eut le commandement de l’armée navale, qui était de deux cents vaisseaux ; et Aulus Posthumius, son collègue, celui de l’arme de terre. Caïus voulait d’abord cingler droit à Corcyre, croyant y arriver à temps pour donner du secours ; mais quoique la ville se fût rendue, il ne laissa pas de suivre son premier dessein, tant pour connaître au juste ce qui s’y était passé, que pour s’assurer de ce qui avait été mandé à Rome par Démétrius, qui, ayant été desservi auprès de Teuta, et craignant son ressentiment, avait fait dire aux Romains qu’il leur livrerait Corcyre et tout ce qui était en sa disposition.

Les Romains débarquent dans l’île, et y sont bien reçus. De l’avis de Démétrius, on leur abandonne la garnison illyrienne, et on se rend à eux à discrétion, dans la pensée que c’était l’unique moyen de se mettre à couvert pour toujours des insultes des Illyriens. De Corcyre, Caïus fait voile vers Apollonie, emmenant avec lui Démétrius,