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POLYBE, LIV. III.

peut-être pour terminer le différend ; mais que, cette ville ayant été saccagée contre la foi des traités, les Carthaginois ne pouvaient, qu’en livrant les auteurs de l’infraction, se justifier de l’infidélité dont ils étaient accusés ; qu’autrement il fallait qu’ils tombassent d’accord de la part qu’ils avaient dans l’infraction, sans se défendre, comme ils faisaient, par des termes vagues et généraux qui ne décidaient rien. Il était à propos, ce me semble, que je ne passasse pas trop légèrement sur cet endroit. On peut se trouver dans des délibérations où il serait important de savoir au juste ce qui se passa dans cette occasion ; et d’ailleurs les historiens ont parlé de cette affaire avec tant d’ignorance et de partialité, que, sans ce que je viens de dire, je ne sais où l’on pourrait prendre une connaissance exacte des traités qui se sont faits jusqu’à présent entre les Romains et les Carthaginois ; car il y en a plusieurs.

Le premier est du temps de L. Junius Brutus et de Marcus Horatius, les deux premiers consuls qui furent créés après l’expulsion des rois, et par l’ordre desquels fut consacré le temple de Jupiter Capitolin, vingt-huit ans avant l’invasion de Xerxès dans la Grèce. Le voici tel qu’il m’a été possible de l’expliquer, car la langue latine de ces temps-là est si différente de celle d’aujourd’hui, que les plus habiles ont bien de la peine à entendre certaines choses :

« Entre les Romains et leurs alliés, et entre les Carthaginois et leurs alliés, il y aura alliance à ces conditions : que ni les Romains ni leurs alliés ne navigueront au-delà du beau promontoire, s’ils n’y sont poussés par la tempête, ou contraints par leurs ennemis : qu’en cas qu’ils y aient été poussés par force, il ne leur sera permis d’y rien acheter ni d’y rien prendre, sinon ce qui sera précisément nécessaire pour le radoubement de leurs vaisseaux, ou le culte des dieux, et qu’ils en partiront au bout de cinq jours ; que les marchands qui viendront à Carthage ne paieront aucun droit, à l’exception de ce qui se paie au crieur et au scribe ; que tout ce qui sera vendu en présence de ces deux témoins, la foi politique en sera garant au vendeur ; que tout ce qui se vendra en Afrique ou dans la Sardaigne..... Que si quelques Romains abordent en Sicile, on leur fera bonne justice en tout ; que les Carthaginois s’abstiendront de faire aucun ravage chez les Antiales, les Ardéates, les Laurentins, les Circéens, les Terraciniens, et chez quelque peuple des Latins que ce soit qui obéisse au peuple romain ; qu’ils ne feront aucun tort aux villes mêmes qui ne seront pas sous la domination romaine ; que s’ils en prennent quelqu’une, ils la rendront aux Romains en son entier ; qu’ils ne bâtiront aucune forteresse dans le pays des Latins ; que s’ils y entrent à main armée, ils n’y passeront pas la nuit. »

Ce beau promontoire c’est celui de Carthage, qui regarde le septentrion, et au-delà duquel les Carthaginois ne veulent pas que les Romains passent sur de longs vaisseaux vers le midi, de peur que ceux-ci, comme je crois, ne connaissent les campagnes qui sont aux environs de Byzance et de la petite Syrte, et qu’ils appellent Emporium, le marché, à cause de leur fertilité. Ils consentent néanmoins que ceux que la tempête ou les ennemis y auront poussés, y prennent ce qui leur sera nécessaire pour radouber leurs vaisseaux ou pour les sacrifices, pourvu que ce soit sans violence, et qu’ils en partent après