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POLYBE, LIV. III.

les propriétés des lieux qui sont aux extrémités de cette terre que nous habitons, il y en a très-peu qui ne se soient souvent trompés. Or, on ne doit épargner aucun de ces historiens. Il faut les réfuter tous, non légèrement et en passant, mais en leur opposant des argumens solides et certains. On ferait cependant mal de les reprendre avec mépris et avec hauteur ; il est juste au contraire de les louer, en corrigeant les fautes que le peu de connaissance qu’ils avaient leur a fait commettre. Eux-mêmes, s’ils revenaient au monde, changeraient et redresseraient sur beaucoup de points leurs propres ouvrages. Dans le temps qu’ils vivaient, il était rare de trouver des Grecs qui s’intéressassent beaucoup à l’étude des lieux qui bornent la terre ; il n’était pas même possible d’en acquérir la connaissance. On ne pouvait alors se mettre sur mer sans s’exposer à une infinité de dangers. Les voyages sur terre étaient encore plus périlleux. Quelque nécessité ou quelque inclination qui vous conduisît dans ces lieux, vous n’en reveniez guère plus instruit. Comment examiner tout par ses yeux dans des endroits qui sont tout-à-fait barbares, où il ne règne qu’une solitude affreuse, où vous ne pouvez tirer aucun éclaircissement de la part de ceux qui les habitent, et dont le langage vous est inconnu ? Je suppose que quelqu’un eût surmonté tous ces obstacles ; mais eût-il été assez raisonnable pour ne pas débiter des choses incroyables ; pour se renfermer dans l’exacte vérité, pour ne raconter que ce qu’il aurait vu ? On ne serait donc pas équitable de relever avec aigreur des historiens, pour s’être quelquefois trompés, ou pour avoir manqué de nous donner, sur les extrémités de la terre, des lumières qu’il n’était pas seulement difficile, mais même impossible qu’ils eussent eux-mêmes. Louons ces auteurs, admirons-les plutôt d’avoir été jusqu’à un certain point, et de nous avoir aidés à faire de nouvelles découvertes. Mais aujourd’hui que par la conquête de l’Asie par Alexandre, et celle de presque tout le reste du monde par les Romains, il n’est point d’endroit dans l’univers où l’on ne puisse aller par mer ou par terre, et que de grands hommes, déchargés du soin des affaires publiques et du commandement des armées, ont employé les momens de leur loisir à ces sortes de recherches, il faut que ce que nous en voulons dire soit beaucoup plus exact et plus assuré. Nous tâcherons aussi de nous acquitter de cette tâche dans cet ouvrage, lorsque l’occasion s’en présentera, et nous prierons alors nos lecteurs curieux de s’instruire, de nous donner toute leur attention. J’ose dire que je m’en suis rendu digne par les peines que je me suis données, et par les dangers que j’ai courus, en voyageant dans l’Afrique, dans l’Espagne, dans les Gaules, et sur la mer extérieure dont tous ces pays sont environnés, pour corriger les fautes que les anciens avaient faites dans la description de ces lieux, et pour en procurer la connaissance aux Grecs. Mais terminons ici cette digression, et voyons les combats qui se livrent en Italie entre les Romains et les Carthaginois.




CHAPITRE XII.


État de l’armée d’Annibal après le passage des Alpes. — Prise de Turin. — Sempronius vient au secours de Scipion. — Annibal dispose ses soldats au combat.


Annibal, arrivé dans l’Italie avec l’armée que nous avons vue plus haut, campa au pied des Alpes, pour donner