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POLYBE, LIV. III.

l’Apulie, qui est divisée en trois parties, dont chacune a son nom particulier. Les Dauniens en occupent une, et les Messapiens une autre. Il entra dans la Daunie, et commença par ravager Lucérie, colonie romaine ; puis, ayant mis son camp à Hippone, il parcourut sans obstacle le pays des Argyripiens et toute la Daunie.




CHAPITRE XIX.


Fabius se borne à la défensive ; les raisons qu’il avait pour ne rien hasarder. — Caractère opposé de M. Minucius Rufus, maître général de la cavalerie. — Éloge de la Campanie. — Annibal y porte le ravage.


Pendant qu’Annibal était dans ces parages, Fabius, créé dictateur, après avoir offert des sacrifices aux dieux, partit de Rome, suivi de Minucius et de quatre légions qu’on avait levées pour lui. Lorsqu’il eut joint sur les frontières de la Daunie les troupes qui étaient venues d’Ariminum au secours de cette province, il ôta à Servilius le commandement de l’armée de terre, et le renvoya bien escorté à Rome, avec ordre, si les Carthaginois remuaient par mer, de courir où son secours serait nécessaire. Ensuite il se mit en marche avec le général de la cavalerie, et alla camper en un lieu nommé Aigues, à cinquante stades du camp des Carthaginois.

Fabius arrivé, Annibal, pour jeter l’épouvante dans cette nouvelle armée, sort de son camp, approche des retranchemens des Romains, et se met en bataille. Il resta quelque temps en position ; mais comme personne ne se présentait, il retourna dans son camp. Car Fabius avait pris la résolution, et rien dans la suite ne fut capable de la lui faire quitter, de ne rien hasarder témérairement, de ne pas courir les risques d’une bataille, et de s’appliquer uniquement à mettre ses troupes à couvert de tout danger. D’abord ce parti ne lui fit pas honneur, il courut des bruits désavantageux sur son compte, on le regarda comme un homme lâche, timide, et qui craignait l’ennemi ; mais on ne fut pas long-temps à reconnaître que, dans les circonstances présentes, le parti qu’il avait pris était le plus sage et le plus judicieux que l’on pût prendre. La suite des événemens justifia bientôt la solidité de ses réflexions. L’armée carthaginoise était composée de soldats exercés dès leur jeunesse aux travaux et aux périls de la guerre. Elle était commandée par un général nourri et élevé parmi ses soldats, instruit dès l’enfance dans la science des armes. Elle avait déjà gagné plusieurs batailles dans l’Espagne, et battu les Romains et leurs alliés deux fois de suite. C’était avec cela des hommes qui, ne pouvant d’ailleurs tirer aucun secours, n’avaient de ressource et d’espérance que dans la victoire. Rien de tout cela ne se trouvait du côté des Romains. Si Fabius eût hasardé une action générale, sa défaite était immanquable. Il fit donc mieux de s’en tenir à l’avantage qu’avaient les Romains sur leurs ennemis, et de régler là-dessus l’état de la guerre. Cet avantage était de recevoir par leurs derrières autant de vivres, de munitions et de troupes qu’ils en auraient besoin, sans crainte que ces secours pussent leur manquer.

Sur ce projet, le dictateur se borna pendant toute la campagne à harceler toujours les ennemis, et à s’emparer des postes qu’il savait être les plus favorables à son dessein. Il ne souffrit pas que les soldats allassent au fourrage ; il les retint toujours réunis et serrés, uniquement attentif à étudier les lieux, le temps et les occasions. Quand