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POLYBE, LIV. IV.

Timarque, un de leurs citoyens, pour faire plaisir aux Cnossiens. Ils demandèrent d’abord qu’on leur fît raison de cet attentat, puis ils déclarèrent la guerre aux Rhodiens.

Peu de temps auparavant les Lyttiens avaient été frappés d’un malheur extraordinaire dans lequel toute l’île de Crète était enveloppée. Les Cnossiens, s’étant joints aux Gortyniens, s’étaient rendus maîtres de toute cette île, à l’exception de la ville des Lyttiens. Cette résistance d’une seule ville les irrita. Ils résolurent d’y mettre le siége et de la renverser de fond en comble, pour faire un exemple et inspirer de la terreur aux autres Crétois. Ceux‑ci d’abord prirent tous les armes pour défendre les Lyttiens ; mais il s’éleva entre eux, comme c’est l’ordinaire parmi ce peuple, quelque jalousie pour je ne sais quelles bagatelles, et cette jalousie dégénéra bientôt en une sédition. D’un autre côté les Polyrrhéniens, les Cérètes, les Lampéens, les Oriens et les Arcadiens abandonnèrent de concert les Cnossiens, et convinrent entre eux de prendre la défense des Lyttiens. La division se mit aussi parmi les Gortyniens : les plus âgés se déclarant pour les Cnossiens, les plus jeunes pour les Lyttiens. Les Cnossiens, épouvantés de ce soulèvement de leurs alliés, firent venir à leur secours un corps de mille Étoliens ; après quoi les plus âgés de Gortyne s’emparèrent de la citadelle, y firent entrer pêle‑mêle les Cnossiens et les Étoliens, chassèrent une partie de leurs jeunes gens, tuèrent l’autre, et livrèrent la ville aux Cnossiens.

Les Lyttiens quelque temps après étant sortis en grand nombre de leur pays pour quelque expédition, les Cnossiens en eurent avis, et aussitôt s’emparèrent de Lytte, où il n’y avait personne pour la défense ; ils firent transporter les femmes et les enfans à Cnosse, brûlèrent et renversèrent toute la ville, et retournèrent chez eux. Les Lyttiens, à leur retour, furent si consternés en voyant les ruines de leur patrie, qu’aucun d’eux n’eut la force d’y entrer. Ils tournèrent tout autour en poussant des cris lamentables sur leur malheur et sur celui de leur ville, puis, rebroussant chemin, ils s’allèrent jeter entre les bras des Lampéens, qui les reçurent avec beaucoup de bonté. De citoyens devenus en un jour étrangers, ils firent avec leurs alliés la guerre aux Cnossiens. Ce fut ainsi que Lytte, colonie et alliée des Lacédémoniens, la plus ancienne ville de Crète, et de qui, sans contredit, étaient sortis les plus grands hommes de cette île, périt sans ressource et de la manière du monde la plus étonnante.

Les Polyrrhéniens, les Lampéens et leurs alliés étaient alors en guerre avec les Cnossiens, dont les Étoliens prenaient la défense. Pour contrebalancer ce secours, ils expédièrent des ambassadeurs vers les Achéens et vers Philippe, qui n’étaient point amis des Étoliens, pour les prier de faire alliance avec eux, et de leur prêter des secours. L’alliance fut aussitôt conclue, et on leur envoya quatre cents Illyriens sous le commandement de Plator, deux cents Achéens et cent Phocéens. Ce secours avança beaucoup les affaires des Polyrrhéniens et de leurs alliés. En fort peu de temps les Éleuthernéens, les Cudoniates et les Apteréens, renfermés dans l’enceinte de leurs murailles, furent forcés de quitter l’alliance des Cnossiens, et de prendre les armes en faveur de ceux qui les attaquaient. Après quoi les Polyrrhéniens et leurs alliés envoyèrent à Philippe et aux Achéens cinq cents Crétois. Les Étoliens, peu de temps auparavant, en