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POLYBE, LIV. IV.

le dégât dans l’Élide, y fit un grand butin, et revint à Dymes avec son armée.




CHAPITRE XIX.


Apelles accuse injustement les Aratus ; il est démenti. — Inquiétudes de ce personnage. — Ordre établi par Antigonus dans la maison royale. — Philippe se retire à Argos, et y passe l’hiver.


Apelles, non content d’avoir donné aux Achéens un préteur de sa main, entreprit encore d’indisposer le roi contre les Aratus, et de lui faire perdre toute l’amitié qu’il avait pour eux. Il eut pour cela recours à une calomnie. Amphidamas, préteur des Éléens, avait été pris à Thalamas avec tous ceux qui s’y étaient réfugiés, comme nous avons déjà rapporté. Arrivé à Olympie avec les autres prisonniers, il employa quelques amis auprès du roi pour avoir la liberté de lui parler. Il l’obtint, et dit à Philippe qu’il avait assez d’autorité sur les Éléens pour les engager à faire alliance avec les Macédoniens. Philippe le crut, le renvoya sans rançon, et lui donna ordre de dire aux Éléens que, s’ils prenaient ce parti, tout ce qu’on avait pris sur eux leur serait rendu gratuitement, que leur pays serait défendu contre toute insulte du dehors, et que, sans garnison, sans impôt, libres de toute charge, ils continueraient de vivre selon leurs lois et leurs usages. Quelque éblouissantes, quelque considérables que fussent ces offres, les Éléens les écoutèrent sans paraître en être touchés, et ce fut cette occasion que saisit Apelles pour prévenir le roi contre les Aratus.

Il lui fit entendre qu’il devait se défier de l’amitié que semblaient avoir pour lui ces chefs des Achéens ; qu’ils ne lui étaient pas en effet favorables ; qu’eux seuls avaient détourné les Éléens d’entrer dans son alliance ; que, lorsqu’il renvoya Amphidamas d’Olympie en Élide, ils s’étaient abouchés avec ce préteur, et lui avaient dit qu’il n’était point de l’intérêt du Péloponnèse que Philippe fût maître des Éléens, et que c’était la raison pour laquelle ceux‑ci rejetaient ses offres avec hauteur, s’en tenaient à leur alliance avec les Étoliens, et soutenaient la guerre contre les Macédoniens.

Sur la foi de ce discours, le roi fait appeler les Aratus, et donne ordre à Apelles de répéter devant eux tout ce qu’il venait de dire. Apelles répéta les mêmes choses, et les soutint avec une hardiesse étonnante. Comme le roi gardait le silence, il ajouta que, puisqu’ils étaient si ingrats et si indignes des bienfaits de Philippe, ce prince allait assembler le conseil des Achéens, et qu’après y avoir justifié sa conduite, il reprendrait la route de Macédoine. Là-dessus Aratus le père prit la parole, et dit au roi qu’en général il ferait bien de ne point ajouter foi légèrement et sans examen aux rapports qu’on lui ferait ; mais que quand ces rapports regardaient quelqu’un de ses amis ou de ses alliés, il ne pouvait être trop sur ses gardes ; que rien n’était plus utile ni plus digne d’un roi ; qu’il le priait de faire appeler ceux devant qui Apelles avait mal parlé des Achéens, de l’obliger à se trouver lui‑même au milieu de ces personnes, en un mot d’essayer tous les moyens possibles de connaître la vérité, avant de rien découvrir de cette affaire aux Achéens.

Le roi trouva cet avis fort bon, et dit qu’il ne négligerait rien pour s’éclaircir du fait ; on se sépara. Quelques jours s’étaient passés sans qu’Apelles fournît aucune preuve de ce qu’il avait avancé, lorsqu’un incident arriva, dont