Page:Liskenne, Sauvan - Bibliothèque historique et militaire, Tome 2, 1836.djvu/577

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
569
POLYBE, LIV. V.

n’y eut que la plupart des chevaux et des bagages qui tombèrent entre les mains de Lycurgue. À huit cavaliers près qui furent tués, tous les hommes se sauvèrent sans qu’on pût en faire un seul prisonnier.

Après cet échec, les Messéniens retournèrent par Argos chez eux, et Lycurgue, glorieux de ce petit succès, revint à Lacédémone pour s’y tenir prêt à se défendre contre Philippe. Lui et ses amis furent d’avis de faire en sorte que le roi ne sortit pas du pays sans qu’on le mît dans la nécessité de combattre ; mais ce prince, ayant décampé d’Élie, s’avança en ravageant la campagne, et, après quatre jours de marche, arriva une seconde fois à Amycles, vers le milieu du jour. Sur-le-champ Lycurgue donne des ordres à ses officiers et à ses amis pour le combat, sort de la ville et s’empare des postes aux environs de Ménélée ; son armée était au moins de deux mille hommes. Il recommande à la garnison de la ville d’être toujours sur ses gardes, afin qu’au premier signal on pût faire sortir les troupes de plusieurs côtés, et les ranger en bataille vers l’Eurotas, à l’endroit où ce fleuve est le moins éloigné de la ville. Telle était la disposition des Lacédémoniens.

Mais, de peur que, faute de connaître les lieux, on ne trouve de la confusion et de l’obscurité dans ce que je dois rapporter, il est bon d’en décrire la nature et la situation. C’est ce que j’ai toujours observé dans tout le cours de cet ouvrage, en indiquant les lieux inconnus par la liaison qu’ils ont avec ceux que l’on connaît déjà, et dont les auteurs ont parlé ; car, comme il est ordinaire, soit sur terre ou sur mer, d’être trompés par la différence des lieux, et que notre dessein n’est pas tant de raconter ce qui s’est fait, que d’expliquer la manière dont chaque chose s’est passée, nous ne parlerons d’aucun événement, surtout de ceux qui concernent la guerre, sans faire la description des lieux où il s’est passé ; nous nous ferons même un devoir de les désigner par les ports, les mers et les îles qui sont auprès, par les temples, les montagnes, les terres que l’on voit dans leur voisinage, et même par leur situation à l’égard du ciel, parce que c’est ce qu’il y a de plus connu aux hommes. Ce n’est que par ce moyen, comme nous l’avons déjà dit, qu’on peut donner à ses lecteurs la connaissance des lieux qu’ils ne connaissent pas.

Voyons donc quelle est la nature des lieux dont il est question. Lacédémone, si on la considère en général, est une ville toute ronde, et tellement située dans une plaine qu’on y voit cependant certains endroits inégaux et élevés. Du côté de l’orient, l’Eurotas coule auprès ; cette rivière est si profonde pendant la plus grande partie de l’année, qu’on ne peut la passer à gué. À l’orient d’hiver, au-delà de la rivière, sont des montagnes escarpées, rudes et d’une hauteur extraordinaire, sur lesquelles est bâtie Ménélée. Ces montagnes dominent de beaucoup sur l’espace qu’il y a entre la ville et la rivière, espace qu’arrose l’Eurotas en coulant au pied des montagnes, et qui en tout n’a pas plus d’un stade et demi de largeur.




CHAPITRE VI.


Combats gagnés par Philippe près de Lacédémone. — Il passe dans la Phocide. — Nouvelle intrigue des conjurés.


Il fallait nécessairement que Philippe à son retour traversât ce défilé, ayant à droite la rivière et Lycurgue qui occu-