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POLYBE, LIV. V.

Éphèse bon nombre de soldats. Ce furent là les raisons sur lesquelles on ne jugea pas à propos d’accorder à Cléomène ce qu’il demandait. D’un autre côté, laisser partir après un refus méprisant un prince de cette considération, c’était s’en faire un ennemi qui se souviendrait de cette insulte. Il ne restait donc plus qu’à le retenir malgré lui ; mais cette pensée fut universellement rejetée. Il ne fallut pas délibérer pour cela ; on vit d’abord qu’il n’y avait pas de sûreté à loger dans le même parc le loup et les brebis. Sosibe surtout craignait qu’on ne prît ce parti, et en voici la raison.




CHAPITRE IX.


Conjuration contre Bérénice. — Archidamas, roi de Sparte, est tué par Cléomène. — Ce prince est saisi lui-même et mis en prison. — Il en sort et se tue. — Théodore, gouverneur de la Cœlo-Syrie, livre sa province à Antiochos.


Dans le temps que l’on cherchait les moyens de mettre à mort Magas et Bérénice, les auteurs de ce projet, craignant surtout que l’audace de cette princesse ne fît échouer leur dessein, tâchaient de se gagner les courtisans, et leur faisaient de grandes promesses en cas que leur projet réussît. Sosibe en fit particulièrement à Cléomène, qu’il savait avoir besoin du secours du roi, et qu’il connaissait homme d’esprit et capable de conduire prudemment une affaire importante. Il lui fit aussi part de son dessein. Cléomène, voyant son embarras, et qu’il appréhendait surtout les troupes étrangères et mercenaires, l’exhorta à ne rien craindre, et lui promit que les mercenaires, loin de lui nuire, lui seraient au contraire d’un grand secours. Comme Sosibe était surpris de cette promesse, ne voyez-vous pas, lui dit Cléomène, qu’il y a ici trois mille mercenaires à la solde du Péloponnèse et environ mille Crétois, à qui, au moindre signe, je ferai prendre les armes pour vous ? et avec ce corps de troupes qu’avez-vous à craindre ? Les soldats de la Syrie et de la Carie vous épouvanteraient-ils ? Ce discours fit plaisir à Sosibe, et l’affermit dans le dessein qu’il avait contre Bérénice. Mais, se rappelant ensuite la mollesse de Ptolémée, les paroles de Cléomène, sa hardiesse à entreprendre et son pouvoir sur les soldats étrangers, il aima mieux porter le roi et ses amis à se saisir de Cléomène et à le renfermer. Une occasion s’offrit de mettre ce projet à exécution.

Un certain Nicagoras de Messène avait par son père droit d’hospitalité chez Archidamas, roi de Sparte. Avant l’affaire dont nous parlons, ils se voyaient rarement ; mais quand Archidamas se fut enfui de Sparte, de peur, d’y être pris par Cléomène, et qu’il fut venu à Messène, non-seulement Nicagoras lui donna un logement et les autres choses nécessaires à la vie, mais il n’y avait point de momens dans le jour où ils ne se trouvassent ensemble : leur union devint la plus intime. Cléomène, dans la suite, ayant donné à Archidamas quelque espérance qu’il le laisserait retourner à Sparte, et qu’il vivrait bien avec lui, ce fut Nicagoras qui négocia cette paix, et qui en dressa les conditions. Lorsqu’elles eurent été acceptées de part et d’autre, Archidamas, comptant sur les conditions ménagées par Nicagoras, revient à Sparte ; mais il rencontre en chemin Cléomène, qui se jette sur lui et le tue, sans toucher néanmoins à Nicagoras, ni aux autres qui accompagnaient Archidamas.

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