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POLYBE, LIV. V.


CHAPITRE XIII.


Antiochus marche contre Artabarzane, qui se soumet. — Juste punition des vues ambitieuses d’Hermias. — Achéus se tourne contre Antiochus. — Conseil de guerre au sujet de l’expédition contre Ptolémée. — Escalade de Séleucie.


Antiochus, fier d’un si heureux succès, pensa ensuite à se faire craindre des princes barbares limitrophes de ses provinces, et qui y commandaient, afin qu’ils n’eussent pas dans la suite, la hardiesse de fournir des vivres aux rebelles, ou de prendre les armes en leur faveur. Résolu de leur faire la guerre, il voulut commencer par Artabarzane, qui lui paraissait le plus à craindre et le plus entreprenant, et qui avait sous sa domination les Atropatiens et les autres nations voisines. Cette guerre n’était point du tout du goût d’Hermias. Il y avait trop à risquer dans ces hautes provinces, il en revenait toujours à son premier dessein, de prendre les armes contre Ptolémée. Cependant, quand il sut qu’il était né un fils au roi, la pensée lui vint qu’il pourrait bien arriver quelque malheur à Antiochus dans ce pays, et qu’il pourrait se présenter des occasions de lui faire perdre la vie. Il consentit donc au dessein du roi, persuadé que s’il pouvait une fois se défaire du père, il serait immanquablement gouverneur du fils, et par là maître du royaume.

La chose résolue, on franchit le Zagre et on se jette sur le pays d’Artabarzane : ce pays touche à la Médie, et n’en est séparé que par des montagnes. Quelques parties du Pont le dominent, du côté du Phase, et il s’étend jusqu’à la mer d’Hyrcanie, Les hommes y sont pour la plupart forts et courageux ; on y lève surtout d’excellente cavalerie. Toutes les autres munitions de guerre s’y trouvent aussi en abondance : ce royaume s’était conservé depuis les Perses, mais il avait été négligé du temps d’Alexandre. Artabarzane, qui était alors fort vieux, fut épouvanté ; il pensa qu’il fallait céder à la force des circonstances, et fit la paix aux conditions qu’il plut à Antiochus de lui imposer.

Depuis ce temps-là Apollophanes, médecin du roi, et qui en était fort aimé, voyant à quel excès était parvenue l’insolence et la fierté d’Hermias, commença à craindre pour le roi, et beaucoup plus encore pour lui-même. Il saisit l’occasion de parler au roi, et l’exhorta à se tenir sur ses gardes, à se défier d’Hermias, et à prévenir les malheurs qui étaient arrivés à son frère ; il lui dit qu’il touchait presque à son dernier jour, qu’il devait se mettre sur ses gardes, et songer à son salut et à celui de ses amis. Antiochus lui avoua qu’il haïssait et redoutait Hermias, et le remercia de ce qu’il avait eu le courage de s’ouvrir à lui sur cette affaire. Apollophanes, jugeant par cette réponse qu’il était entré dans les sentimens du roi, en devint plus hardi. Le prince ne l’eut pas plus tôt prié de ne se pas contenter de l’avoir averti, mais d’agir efficacement pour se tirer, lui et ses amis, du danger où ils étaient, qu’il parut disposé à tout entreprendre. Après être convenus ensemble de la manière dont on s’y prendrait, le roi feignit d’avoir des pesanteurs de tête, on éloigna les officiers et la garde ordinaire pour quelques jours ; ses amis seuls furent introduits, et on eut le moyen d’entretenir en particulier ceux à qui l’on jugeait à propos de faire part du secret. Quand on eut trouvé des bras pour exécuter le projet, et la haine qu’on avait pour Hermias rendait la chose aisée, on se disposa à le faire. Les médecins répan-