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POLYBE, LIV. V.

desseins qu’on avait ; qu’en quelque endroit qu’on voulût porter la guerre, cette ville était à craindre : que l’on ne devait pas moins songer à bien munir les places du royaume, qu’à faire des préparatifs contre les ennemis ; qu’en prenant Séleucie, cette ville était si heureusement située, que non-seulement elle mettrait le royaume à couvert de toute insulte, mais qu’elle serait d’un grand secours, par mer et par terre, pour faire réussir les projets qu’on avait formés. Tout le conseil demeura d’accord de ce qu’avait dit Apollophanes ; il fut résolu que l’on commencerait par le siége de Séleucie, où, depuis que Ptolémée Évergète, irrité contre Seleucus, l’avait prise pour venger la mort de Bérénice, il y avait eu jusqu’alors une garnison égyptienne. Antiochus donna ordre à Diognète, amiral, d’y amener une flotte, et, partant d’Apamée, il vint camper à environ cinq stades de la ville, proche du Cirque ; il envoya aussi Théodote Hémiolien dans la Cœlo-Syrie, avec un corps de troupes pour s’emparer des défilés, et veiller sur ses intérêts.

Voyons maintenant la situation de Séleucie, et la disposition des lieux d’alentour. Cette ville est située sur la mer entre la Cilicie et la Phénicie. Tout proche s’élève une montagne d’une hauteur extraordinaire, qu’on appelle le Coryphée. Là, du côté d’occident, se brisent les flots de la mer qui sépare Cypre de la Phénicie, et à l’orient cette montagne domine toutes les terres d’Antioche et de Séleucie. La ville est au midi de la montagne, dont elle est séparée par une vallée profonde, et où l’on ne peut descendre qu’avec peine. Elle touche à la mer et en est presque tout environnée, la plupart des bords sont des précipices et des rochers affreux. Entre la mer et la ville sont les marchés et le faubourg, qui est enfermé de fortes murailles : tout le tour de la ville est aussi bien muré, et l’intérieur de la ville est orné de temples et de maisons magnifiques. On ne peut y entrer du côté de la mer que par un escalier fait exprès. Non loin de la ville est l’embouchure de l’Oronte, qui, prenant sa source vers le Liban et l’Anti-Liban traverse la plaine d’Amique, passe à Antioche, dont il emporte toutes les immondices, et vient se jeter dans la mer de Syrie, près de Séleucie.

Le roi commença par offrir aux principaux de la ville de l’argent et de grandes récompenses pour l’avenir, s’ils voulaient de bon gré lui en ouvrir les portes ; mais ses offres ne furent point écoutées. Les officiers subalternes ayant été plus traitables, Antiochus disposa son armée comme pour attaquer la ville, du côté de la mer par une flotte, et du côté de la terre par les troupes du camp. Il partagea son armée en trois corps, et, après les avoir animés à bien faire, leur avoir promis de grandes récompenses, et des couronnes tant aux officiers qu’aux simples soldats qui se signaleraient, il posta Zeuxis du côté de la porte qui conduit à Antioche, Hermogène près du temple de Castor et Pollux, Ardye et Diognète furent chargés de l’attaque du port et du faubourg, parce que la convention faite entre les officiers subalternes et Antiochus portait qu’on ferait entrer ce prince dans la ville dès qu’il aurait emporté le faubourg. Le signal donné, on attaqua de tous les côtés vigoureusement ; mais la plus vive attaque fut du côté d’Ardye et de Diognète, parce qu’aux autres côtés il fallait gravir et combattre en même temps pour aller à l’escalade ; au lieu que, du côté du port et du faubourg on pouvait sans risque porter, dresser et appliquer des échelles.