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POLYBE, LIV. V.

luse, que les écluses du Nil étaient ouvertes, et qu’on avait comblé tous les puits qui contenaient de l’eau douce, abandonna le dessein qu’il avait d’aller à Péluse. Il se contenta d’aller de ville en ville, et de prendre les unes par la force, les autres par la douceur. Celles qui étaient peu fortifiées se rendirent de bon gré, de peur d’être maltraitées ; mais il ne put soumettre celles qui se croyaient bien munies et bien situées, sans être arrêté long-temps devant leurs murs, et sans en faire le siége en forme.

Après une trahison si manifeste, Ptolémée aurait dû mettre ordre au plus tôt à ses affaires ; mais la pensée ne lui en vint seulement pas, tant sa lâcheté lui faisait négliger tout ce qui regarde la guerre. Il fallut qu’Agathoclès et Sosibe, qui possédaient alors le souverain pouvoir, tinssent conseil ensemble, pour voir ce que l’on pourrait faire dans la conjoncture présente. Le résultat fut que, pendant qu’on se disposerait à la guerre, on enverrait des ambassadeurs à Antiochus pour l’arrêter, en le confirmant, en apparence, dans l’opinion qu’il avait de Ptolémée, que ce prince n’aurait pas le courage de prendre les armes contre lui, qu’il aurait plutôt recours à la voie des conférences, ou, qu’il le ferait prier par des amis de sortir de la Cœlo-Syrie. Nommés tous deux pour mettre ce dessein à exécution, ils envoyèrent des ambassadeurs à Antiochus. Ils en envoyèrent aussi aux Rhodiens, aux Byzantins, aux Cizicéniens et aux Étoliens pour traiter de la paix. Pendant que ces différentes ambassades vont et viennent, les deux rois eurent tout le temps de faire leurs préparatifs de guerre. Pendant cet intervalle, Agathoclès et Sosibe restaient à Memphis, et y conféraient avec les ambassadeurs ; ils faisaient le même accueil à ceux qui y venaient de la part d’Antiochus. Cependant ils appelaient et faisaient assembler à Alexandrie tous les étrangers qui étaient entretenus dans les villes du dehors du royaume. On envoyait pour en lever d’autres, et on amassait des vivres tant pour les troupes que l’on avait déjà, que pour celles qui arrivaient de nouveau. Ils descendaient tour à tour de Memphis à Alexandrie, pour disposer tout de telle sorte que rien ne manquât. Pour le choix des armes et des hommes, ils en donnèrent le soin à Échécrate de Thessalie, à Phoxidas de Mélite, à Euryloque de Magnésie, à Socrate de Béotie, et à Cnopias d’Alore. Ce fut un grand bonheur pour eux d’avoir des officiers qui, ayant déjà servi sous Demetrius et Antigonus, avaient quelque connaissance de la vraie manière de faire la guerre. Aussi mirent-ils toute leur application à bien exercer les soldats.

D’abord ils les divisèrent par nation et par âge ; ils leur firent quitter leurs anciennes armes, et leur en donnèrent de nouvelles, selon qu’elles convenaient à chacun. On licencia les corps, et l’on abandonna la forme du recensement observée auparavant dans la paie des soldats ; pour le présent, on les divisa en centuries. De fréquens exercices familiarisèrent les soldats non-seulement avec les commandemens militaires, mais encore avec le maniement particulier de chaque arme ; il se faisait des revues générales, où on les avertissait de leurs devoirs. Andromaque d’Aspende, et Polycrate d’Argos, leur furent d’une grande utilité pour cette réforme de la discipline militaire. Ils étaient venus tout récemment de Grèce, tous deux pleins de cette hardiesse et de cette industrie si naturelles