Page:Liskenne, Sauvan - Bibliothèque historique et militaire, Tome 2, 1836.djvu/604

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
596
POLYBE, LIV. V.

voyèrent des députés vers Achéus pour implorer son secours, et, en ayant eu une réponse favorable, ils soutenaient constamment le siége dans l’espérance d’en être secourus. Achéus leur envoya Garsyéris avec six mille fantassins et cinq cents chevaux. Les Selgiens furent avertis de ce renfort, et aussitôt ils s’emparèrent des détroits qui sont près de Climace. Ils postèrent là la plus grande partie de leurs troupes, mirent bonne garde à l’entrée de Saporda, et rompirent tous les chemins par où l’on pouvait en approcher. Garsyéris, s’étant jeté dans Miliade, et ayant campé devant Crétople, vit bien que, tant que les ennemis occuperaient les passages, il ne serait pas possible d’avancer. Pour les en déloger, voici le stratagème dont il usa : il retourna sur ses pas, comme s’il eût désespéré de pouvoir porter du secours aux assiégés, depuis que les passages avaient été pris par les Selgiens. Ceux-ci, croyant que la retraite se faisait de bonne foi, se retirèrent, les uns dans leur camp et les autres dans la ville, parce que le temps de la moisson pressait. Mais Garsyéris revint aussitôt sur ses pas, et, marchant à grandes journées, vint se poster sur les hauteurs, qu’il trouva sans défense, et y mit du monde. Puis, laissant Phayle pour commander, il marcha sur Perge avec ce qui lui restait de troupes, il envoya de là dans les autres endroits de la Pisidie et de la Pamphylie pour représenter combien l’on avait à craindre des Selgiens, engager les peuples de ces provinces à faire alliance avec Achéus, et les presser de venir au secours des Pednélissiens.

Cependant les Selgiens, se fiant sur la connaissance qu’ils avaient du pays, crurent qu’en faisant marcher un corps de troupes contre Phayle, ils lui donneraient l’épouvante et le chasseraient de ses postes. Mais, loin de réussir, ils perdirent beaucoup de monde. Ils se tournèrent donc du côté du siége, et le pressèrent plus qu’ils n’avaient fait jusqu’alors. Les Étenniens, peuple de la Pisidie, qui habite les montagnes au-dessus de Sida, envoyèrent à Phayle huit mille soldats pesamment armés, et les Aspendiens quatre mille. Ceux de Sida ne prirent point de part à ce secours, soit pour gagner l’amitié d’Antiochus, ou plutôt à cause de la haine qu’ils portaient aux Aspendiens. Avec ces nouvelles forces jointes à son armée, Garsyéris approcha de Pednélisse, et s’imagina que les Selgiens, pour lever le siége, attendraient à peine qu’il parût. Comme cependant ils l’attendirent de pied ferme, il s’arrêta à une distance raisonnable de la ville et s’y retrancha. Pour secourir néanmoins les Pednélissiens autant qu’il lui serait possible, sachant qu’ils manquaient de vivres, il voulut faire entrer pendant la nuit, dans la ville, deux mille hommes chargés chacun d’une certaine mesure de blé. Les Selgiens furent avertis qu’ils étaient en marche : ils vont au devant, taillent en pièces la plus grande partie de ce détachement, et emportent tout le blé.

Fiers de ce succès, ils entreprirent non-seulement de continuer le siége de Pednélisse, mais encore d’assiéger Garsyéris lui-même ; car dans la guerre ce peuple est toujours hardi jusqu’à la témérité. Laissant donc dans leurs retranchemens une garde suffisante, ils approchent du camp ennemi par plusieurs endroits, et l’attaquent avec vigueur. Garsyéris, pressé de tous côtés, et voyant ses retranchemens renversés en plus d’un endroit, commençait à craindre une défaite entière. Il envoya sa cavalerie dans certain poste qui n’é-