Page:Liskenne, Sauvan - Bibliothèque historique et militaire, Tome 2, 1836.djvu/644

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
636
POLYBE, LIV. VI.

Marche ensuite une des légions romaines, ayant derrière elle son bagage. L’autre légion vient après, suivie de son bagage et de celui des alliés qui marchent derrière elle ; car, en marche, c’est l’aile gauche des alliés qui forme l’arrière-garde. La cavalerie marche tantôt à l’arrière-garde du corps dont elle fait partie, tantôt à côté des bêtes de charge, pour les contenir et les mettre à couvert d’insulte. Quand il y a lieu de craindre pour l’arrière-garde, on se contente de faire passer de la tête à la queue les extraordinaires des alliés, sans rien changer dans le reste. Les légions et les ailes changent de rang alternativement, marchant un jour à la tête, le jour suivant à la queue, afin que tous profitent également de l’eau et des vivres qui se rencontrent sur la route. Si l’on craint d’être attaqué et que l’on marche en pays découvert, on se sert d’une autre disposition : les hastaires, les princes et les triaires marchent par manipules en trois colonnes, à distances égales, chaque manipule ayant devant lui ses bagages, de sorte que les équipages et les différens corps de troupes sont mêlés alternativement. La marche ainsi disposée, si l’ennemi se présente, soit à gauche, soit à droite, on fait tourner les corps du côté par où l’ennemi paraît, les équipages restant derrière. De cette manière, en un moment et par un seul mouvement, toute l’armée est rangée en bataille, à moins que les hastaires n’aient une évolution à faire. Dans tous les cas, les équipages se trouvent en sûreté derrière les troupes.

Quand le temps de camper approche, un tribun et quelques centurions prennent les devans. Après avoir examiné l’endroit où le camp doit être assis, ils commencent d’abord par choisir un terrain pour la tente du consul, et l’aspect ou le côté de ce terrain où l’on devra loger les légions. Cela fait, on mesure l’étendue de terrain que doit occuper le prétoire ; ensuite on tire la ligne sur laquelle se dresseront les tentes des tribuns ; au côté opposé, une autre ligne pour le logement des légions, et enfin l’on prend les dimensions de l’autre côté du prétoire. On peut voir plus haut le détail que nous avons donné de toutes ces dispositions. Comme toutes les distances sont marquées et connues par un long usage, toutes ces mesures sont prises en fort peu de temps ; après quoi, on plante le premier drapeau à l’endroit où sera logé le consul ; le second, au côté que l’on a choisi ; le troisième, au milieu de la ligne sur laquelle seront les tribuns ; le quatrième, au logement des légions. Ces drapeaux sont de couleur pourpre ; celui du consul est blanc. Aux autres endroits, on fiche de simples piques ou des drapeaux d’autre couleur. Les rues se forment ensuite, et l’on plante des piques dans chacune ; en sorte que, quand les légions en marche approchent et commencent à découvrir le camp, elles en connaissent d’abord toutes les parties, le drapeau du consul leur servant à distinguer tout le reste ; et comme, d’ailleurs, chacun occupe toujours la même place dans le camp, chacun sait aussi dans quelle rue et en quel endroit de cette rue il doit loger, à peu près comme si un corps de troupes entrait dans une ville où il aurait pris naissance ; car, de même qu’alors, tous connaissant en général et en détail en quel endroit de la ville est leur demeure, aussitôt qu’ils auraient franchi les portes, ils iraient, sans se tromper, l’un d’un côté, l’autre d’un autre, chacun chez soi, la même chose arrive dans le camp des Romains.